Guerre de Cent Ans
Un article de Vev.
Modèle:Infobox conflit militaire
La guerre de Cent Ans couvre la période de 116 ans (1337 à 1453) pendant laquelle s’affrontent la France et l’Angleterre lors de nombreux conflits, entrecoupés de trêves plus ou moins longues.
La guerre commence lorsque Édouard III d’Angleterre envoie un défi (déclaration de guerre) au roi de France Philippe VI de Valois. Le traité de paix définitif, signé le 29 août 1475 à Picquigny en Picardie, en marque officiellement la fin. Cependant, on retient plutôt l'année 1453, date à laquelle les Anglais sont totalement chassés de France (sauf Calais).
Le conflit a débouché sur la constitution de deux nations européennes indépendantes : la France et l’Angleterre qui, jusqu’alors, étaient imbriquées juridiquement et culturellement, et étaient en lutte pour le contrôle territorial de l’Ouest de la France. Pour le contrôle de ce territoire, les Plantagenêts (dynastie royale anglaise) et les Capétiens avaient déjà lutté près de 140 ans, entre 1159 et 1299<ref>La guerre de Cent Ans s’intègre dans une période beaucoup plus longue débutant avec le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri II d’Angleterre et qui voit une série continue de conflits franco-anglais entrecoupés de trêves. Le conflit opposant la France et l’Angleterre entre 1337 et 1453 est considéré par certains comme étant la seconde guerre de Cent Ans, pour la distinguer de la première guerre de Cent Ans (1159-1299), moins connue. Par ailleurs, on parle parfois de "troisième guerre de Cent Ans" pour désigner la période d’affrontements réguliers entre l’Angleterre et la France allant du début de la guerre de la Ligue d’Augsbourg en 1688 à la fin des guerres napoléoniennes en 1815.</ref>. Cette première période avait vu évoluer les deux royaumes d’une organisation féodale très morcelée à une structure d’État centralisé. Le problème posé par le duché de Guyenne n’ayant pas été résolu, (le roi d’Angleterre étant théoriquement vassal du roi de France en tant que duc d’Aquitaine) à la fin du dernier conflit, mais aussi leurs intrigues pour prendre le contrôle de la Bretagne et des Flandres sont à l’origine du déclenchement des hostilités. Cependant, la cause profonde du conflit est la crise démographique puis économique et sociale que traverse le monde médiéval occidental depuis le début du Modèle:XIVe siècle.
Forces en présence
Modèle:Royaume de France
Le royaume de France, irrigué par de grands bassins fluviaux et bénéficiant d'un climat favorable a une agriculture florissante. Il est, avec ses 17 millions d’habitants<ref>L’enfance au Moyen-Âge : la Ville. Site de la bibliothèque Nationale de France et Marc Girot. L’affirmation du pouvoir royal (XII°-XV° siècles), site de l’IUFM de Créteil</ref>, la première puissance démographique d’Europe. Sa société agricole est fondée sur un régime féodal et religieux très hiérarchisé. La capacité agricole permet de nourrir la population (il n'y a plus eu de famine depuis le Modèle:XIIe siècle<ref name="Balard223"/>) qui a besoin de la noblesse pour défendre les terres<ref name="kaplan89"/>.
Le clergé joue un rôle social majeur dans cette organisation de la société. Les clercs, sachant lire et compter, gèrent les institutions ; les religieux font fonctionner les œuvres caritatives<ref>Marie-Thérèse Lorcin,Des Restos du cœur avant la lettre Historia Thématique N°65: Un Moyen Age inattendu pages 48 à 51</ref> et les écoles<ref>Colette Beaune,Petite école, grand ascenseur social Historia Thématique N°65: Un Moyen Age inattendu pages 42 à 47</ref> ; par le biais des fêtes religieuses le nombre des jours chômés atteint 140 par an<ref>Jean-Michel Mehl,Près de cent quarante jours chômés par an Historia Thématique N°65: Un Moyen Age inattendu pages 58 à 64</ref>.
De la même manière, la noblesse doit conjuguer richesse, pouvoir et bravoure sur le champ de bataille : vivant du labeur paysan, le maître se doit de manifester sa largesse en entretenant la masse de ses pendants<ref name="kaplan89">Patrick Boucheron, Michel Kaplan, Histoire Médiévale Tome 2, "Le Moyen Âge XIe-XVe Siècles", Bréal, 1994, chapitre 3: « Noblesse, féodalité et monarchies » p. 89-90</ref>. L'Église a œuvré pour canaliser les chevaliers-brigands dès la fin du Modèle:Xe siècle. À partir du concile de Charroux en 989, les hommes en armes sont priés de mettre leur puissance au service des pauvres et de l'église et deviennent des milites Christi (Soldats du Christ)<ref>Laurent Bourquin, « Qu'est-ce que la noblesse ? », L'Histoire N°195 décembre 1995, page 24</ref>. Depuis le Modèle:XIIIe siècle, le roi de France avait pu faire admettre l'idée que son pouvoir de droit divin lui permettait de créer des nobles<ref>Laurent Bourquin, art. cité, p. 26</ref>. La noblesse se différencie donc du reste de la population par son sens de l'honneur et doit faire montre d'esprit chevaleresque, protéger le peuple et rendre justice en préservant un certain confort matériel. Elle doit justifier sur le champ de bataille son statut social : l’adversaire doit être vaincu face à face dans un corps à corps héroïque. L’armée est donc structurée autour de la chevalerie la plus puissante d’Europe, cavalerie lourde combattant de front, au corps à corps<ref name="Girot">Marc Girot L’affirmation du pouvoir royal (XII°-XV° siècles), site de l’IUFM de Créteil</ref>. Cette volonté de briller sur les champs de bataille est accrue par l’habitude de l’époque de faire des prisonniers et de monnayer leur libération contre rançon. La guerre devient donc très lucrative pour les bons combattants et les risques d’être tués sont donc amoindris pour les autres<ref name="Balard231"/>. Depuis Philippe le Bel, le roi peut convoquer « le ban et l'arrière-ban », c'est-à-dire tous les hommes de 15 à 60 ans, de toute condition (chevaliers et paysans, jeunes et vieux, riches et pauvres). Vers 1340, Philippe VI peut compter sur 30 000 hommes d'armes ainsi que 30 000 hommes de pied. Numériquement c'est inégalable, car l'entretien d'un tel nombre de combattants représente un coût extraordinairement élevé, mais c'est une armée hétéroclite et peu disciplinée<ref name="Xavier Hélary">Xavier Hélary, Charles VII remet la France en ordre de bataille ,Historia thématique n°107: Mai-Juin 2007: Ces rois qui ont tout changé, page 25</ref>.
Pour assoir leur pouvoir face à la grande noblesse et à la papauté, les Capétiens ont donné des gages au peuple : créations de villes franches avec octroi de chartes de franchises, création des états généraux<ref>Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, p. 144</ref>... L'équilibre social passe par l'acceptation par le peuple d'un pouvoir royal fort, qui l’émancipe de l’arbitraire féodal, et une administration de plus en plus centralisée qui lui assure un certain confort matériel.
À la veille de la guerre de Cent Ans, ce système se fragilise car à la suite de la croissance démographique qui a lieu depuis le Modèle:Xe siècle, on assiste à une surpopulation des campagnes et à une demande d’autonomie des villes<ref>L’enfance au Moyen-Âge : la Ville. Site de la bibliothèque Nationale de France et Le royaume de France politique et institutions (XIIe et XIIIe siècles) cliohist.net</ref>. La taille des parcelles des paysans se réduit et les prix agricoles chutent: les ressources fiscales de la noblesse diminuent et il devient impératif de briller sur le champ de bataille pour renflouer ses finances.
En trois siècles, les rois capétiens ont réussi à consolider leur autorité et à agrandir leur territoire, aux dépens des Plantagenêts. Le prestige royal de la France est immense, et, au temps de Philippe IV le Bel, le réseau d’alliances françaises s’étend jusqu’en Russie<ref name="Girot" />.
Toutefois, malgré les confiscations territoriales de Philippe II Auguste, Saint Louis et Philippe IV le Bel, les rois d’Angleterre ont conservé l’étroit duché de Guyenne et le petit comté de Ponthieu : le roi d’Angleterre est ainsi le vassal du roi de France.
Modèle:Royaume d'Angleterre
Le royaume d’Angleterre est beaucoup moins peuplé (quatre millions d’habitants). Le refroidissement climatique qui touche l’Europe à partir du XIIIe siècle oblige le pays à renoncer à certaines ressources agricoles (par exemple : le vin qui était produit dans tout le sud de l’Angleterre n’est progressivement produit qu’en Guyenne<ref name="climat">Les constatations décrites par exemple par Scott A. Mandia,(en) The Little Ice Age in Europe [1], sont corroborées par des médiévistes ayant analysé les chroniques de l'époque tels Philippe Contamine, La guerre de cent ans,Que Sais-Je n° 1309, PUF 2002; mais pour d'autres auteurs le refroidissement climatique survient plus tard et d'autres modèrent l'impact que les changement climatiques en question ont eu sur l'économie: Emmanuel Le Roy Ladurie Histoire humaine et comparée du climat, Fayard 2006, La Recherche.</ref>) et à opter pour une économie fondée sur la spécialisation et le commerce<ref>(en) Eileen Power, The Wool Trade in English medieval History, page 9 [2]</ref>. Le climat pluvieux et les pâturages verdoyants favorisent l’élevage (plus particulièrement des ovins) qui permet une production importante de la laine utilisée par les tisserands et les drapiers (les ovins anglais produisent une laine particulièrement fine et d’excellente qualité pour le filage<ref>(en) Eileen Power, The Wool Trade in English medieval History, page 11 [3]</ref>). L’artisanat, le commerce et donc les villes se sont développés<ref>(en) Eileen Power, The Wool Trade in English medieval History, page 6 [4]</ref>. Les habitants des villes ont surtout besoin de liberté d’entreprendre et de limiter la pression fiscale (une grande partie des finances de l'état vient de la taxe sur la laine)<ref>Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, pages 164 et Eileen Power, The Wool Trade in English medieval History, pages 14, 37 et 41 [5]</ref>. Ce besoin a abouti à l’octroi de la Grande Charte de 1215 qui garantit la liberté des villes et donne au parlement un pouvoir de contrôle sur la fiscalité<ref>Magna Carta - La Grande Charte Traduction de l’anglais par Claude J. Violette [6]</ref>. Le commerce rend l’Angleterre très dépendante de la Guyenne (car elle produit des vins qui à l’époque sont plus salubres que l’eau), des Flandres (dont les drapiers achètent la laine) et de la Bretagne (qui lui vend du sel indispensable à la conservation des aliments)<ref name="Richardot">Philippe Richardot, Y a-t-il une pensée navale dans l’occident médiéval ?, Stratis.org</ref>.
Depuis deux siècles, la souveraineté sur l'ouest de la France, du duché d'Aquitaine au riche et puissant comté de Flandre, est à l'origine de conflits et d'intrigues entre Capétiens et Plantagenêts. Cette lutte commencée au milieu du Modèle:XIIe siècle avec un énorme avantage pour l’Anglais (qui possédait alors l’Anjou, la Normandie, le Maine, le Poitou, l’Aquitaine et le Limousin), se termine par la confiscation de ses possessions au profit du roi de France<ref name="Ducret">Alix Ducret, Cent ans de malheur : les origines de la guerre de Cent Ans, Historia Nostra</ref>. Du grand empire Plantagenêt, il ne reste plus qu’une Aquitaine diminuée et réduite à la côte gasconne et à Bordeaux, nommée Guyenne.
D’autre part l’Angleterre prend part à la 2e guerre d'indépendance d'Écosse (1332 à 1357). Depuis 1296, profitant de la mort d’Alexandre III sans héritier mâle et une tentative de prise de contrôle par mariage, l’Angleterre considère l’Écosse comme un État vassal. Cependant, les Écossais ont contracté avec la France la Auld Alliance le 23 octobre 1295, et Robert Bruce, lors de la bataille de Bannockburn, a écrasé la chevalerie anglaise pourtant très supérieure en nombre grâce à une armée essentiellement composée d’hommes d’armes à pied protégés des charges par un premier rang de piquiers<ref>(en) Tony Pollard et Neil Oliver, A Soldier's View of Battle through the Ages, site de la BBC</ref>. Les Anglais adaptent donc leur manière de combattre en diminuant la cavalerie mais en utilisant plus d’archers et d’hommes d’armes à pied protégés des charges par des pieux plantés dans le sol (ces unités pour accroitre leur mobilité se déplacent à cheval mais combattent à pied)<ref name="Coteret116"/><ref>Emmanuel Constantin Antoche,Quelques aspects concernant l’évolution tactique du chariot sur le champ de bataille dans l’histoire militaire universelle. L’Antiquité et le Moyen Âge jusqu’à l’avènement des Hussites (1420), page 113 [7]</ref>. Édouard III met en œuvre cette nouvelle façon de combattre en soutenant Édouard Balliol contre les partisans de David II, le fils de Robert Bruce. Grâce à cette tactique, les Anglais remportent plusieurs batailles importantes dont la bataille de Dupplin Moor en 1332 et celle de Halidon Hill en 1333<ref>Georges Bordonove, La guerre de 600 ans, Laffont 1971, page 132 et (en) Tim Midgley, The Battle of Halidon Hill[8]</ref>. David II doit s’enfuir et trouve refuge en France où il est accueilli par Philippe VI de Valois.<ref>Comment le roi David d’Escosse avec la roine sa femme vinrent à Paris au roi de France; et comment il et tous les barons d’Escosse lui promirent et jurèrent qu’ils ne feroient point paix aux Anglois sans son conseil. Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie I, chapitre 75 page 67 Bibliothèque Nationale de France et Les Valois directs: Philippe VI. Édouard III roi d’Angleterre prête hommage à Philippe VI (6 juin 1329) chrisagde.free.fr</ref> Édouard Balliol devient roi d’Écosse, vassal de l’Angleterre et honni par son peuple. Grâce à cette campagne Édouard III peut disposer d’une armée moderne et rodée aux nouvelles tactiques (il y a aussi expérimenté la stratégie des chevauchées qui consiste à piller le pays sur des distances énormes grâce à une armée montée<ref name="Coteret116">Bernard Coteret, Histoire de l'Angleterre, Tallandier 2007 page 116</ref>).
La langue officielle est le franco-normand - soit un français mâtiné de mots nordiques apportés par les Vikings - (depuis 1066, conquête par Guillaume le Conquérant - jusqu’en 1361, décret d’Édouard III)<ref>Le crépuscule du Moyen Âge, Cristian-Ioan Panzaru, unibuc.ro</ref>, bien que l'anglo-saxon continue d'être employé par le peuple. Modèle:Approfondir
Origines du conflit
Si on trouve les raisons profondes du conflit dans la crise démographique, économique et sociale que traverse l’Europe du Modèle:XIVe siècle, le déclenchement de la guerre est motivé par la montée progressive de la tension entre les rois de France et d’Angleterre au sujet de la Guyenne, des Flandres et de l'Écosse. La question dynastique, posée par une interruption de la descendance mâle directe des Capétiens en est le prétexte officiel.
Causes culturelles, démographiques, économiques et sociales du conflit
Alors que, sous l’effet des progrès des techniques agraires et des défrichements, la population s’accroît en Occident depuis le Modèle:Xe siècle, on franchit un seuil qui dépasse les capacités de productions agricoles dans certaines zones d’Europe dès la fin du Modèle:XIIIe siècle. Avec le jeu des partages successoraux les parcelles se réduisent : elles n’ont plus en 1310 que le tiers de leur superficie moyenne de 1240<ref name="Balard223">Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, pp. 222-223.</ref>. Certaines régions comme les Flandres sont en surpopulation et essayent de gagner des terres cultivables sur la mer, néanmoins pour couvrir leurs besoins elles optent pour une économie de commerce permettant d’importer les denrées agricoles. En Angleterre, dès 1279, 46% des paysans ne disposent que d’une superficie cultivable inférieure à 5 hectares. Or, pour nourrir une famille de 5 personnes, il faut de 4 à 5 hectares<ref name="Balard223"/>. La population rurale s’appauvrit, le prix des produits agricoles baisse et les revenus fiscaux de la noblesse diminuent alors que la pression fiscale augmente et donc les tensions avec la population rurale. Beaucoup de paysans tentent donc leur chance comme saisonniers dans les villes pour des salaires très faibles engendrant aussi des tensions sociales en milieu urbain. Le refroidissement climatique<ref name="climat"/> provoque de mauvaises récoltes qui se traduisent du fait de la pression démographique en famines (qui avaient disparu depuis le Modèle:XIIe siècle) dans le nord de l’Europe en 1314, 1315 et 1316: Ypres perd 10% de sa population et Bruges 5% en 1316<ref name="Balard223"/>.
La noblesse doit compenser la diminution de ses revenus fonciers et la guerre en est un excellent moyen : par les rançons perçues après capture d’un adversaire, le pillage et l’augmentation des impôts justifiée par la guerre. C’est ainsi que la noblesse pousse à la guerre et particulièrement la noblesse anglaise dont les revenus fonciers sont les plus touchés<ref name = "Balard231">Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, pp.231-232</ref>. En France, le roi Philippe VI a besoin de renflouer les caisses de l'état et une guerre permettrait de lever des impôts exceptionnels.
Sphères d'influences économiques et culturelles de la France et de l'Angleterre
Depuis Saint Louis, la modernisation du système juridique attire dans la sphère culturelle française de nombreuse régions limitrophes: en particulier en terres d'Empire, les villes du Dauphiné ou du comté de Bourgogne (future Franche-Comté) recourent depuis Saint Louis à la justice royale pour régler des litiges: le roi envoie par exemple le Bailli de Mâcon qui intervient à Lyon pour régler des différents, comme le sénéchal de Beaucaire intervient à Vivier ou à Valence<ref>Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 60</ref>. Les rois de France savent attirer à leur cour la noblesse de ces régions en allouant des rentes et en se livrant à une habile politique matrimoniale. Les comtes de Savoie prêtant hommage au roi de France contre l'octroi de pensions ; Jean de Luxembourg, roi de Bohème et beau père de Jean le Bon mourant héroïquement à Crécy ou le comte Humbert II ruiné du fait de son incapacité à lever l'impôt<ref>Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 72</ref> et sans héritier après la mort de son fils unique, vendant le Dauphiné<ref>Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 70</ref> à Philippe VI sont de parfaites illustrations de ce phénomène. Inversement, le fait que le roi d'Angleterre soit vassal du roi de France pour la Guyenne lui pose problème car tous les litiges peuvent être réglés à Paris et donc en sa défaveur.
L’essor du commerce a rendu certaines régions dépendantes économiquement de l’un ou de l’autre royaume. À cette époque le transport de fret se fait essentiellement par voie maritime ou fluviale. La Champagne et la Bourgogne alimentent Paris via la Seine et ses affluents et sont donc pro-françaises. La Normandie est partagée car elle est le point d'union entre ce bassin économique et la Manche qui devient une zone d'échanges de plus en plus intenses grâce aux progrès des techniques maritimes (le contournement de la péninsule ibérique par les navires italiens devient de plus en plus fréquent). L’Aquitaine qui exporte son vin en Angleterre, la Bretagne qui exporte son sel et les Flandres qui importent la laine britannique ont tout intérêt à être dans la sphère d'influence anglaise<ref name="Richardot">Philippe Richardot, Y a-t-il une pensée navale dans l’occident médiéval ?, Stratis.org</ref>.
Ainsi les Flamands en voulant échapper à la pression fiscale française, se révoltent de manière récurrente contre le roi de France ; d'où les batailles successives de Courtrai en 1302 (où la chevalerie française est laminée) de Mons-en-Pévèle en 1304 et de Cassel en 1328 (où Philippe VI mate les rebelles flamands). Les Flamands apportent leur soutien au roi d'Angleterre, déclarant même en 1340 qu'Édouard III est le légitime roi de France. Les deux États ont donc intérêt à augmenter leurs possessions territoriales pour accroître leurs rentrées fiscales et renflouer leurs finances. Dès lors, les intrigues des deux rois pour faire passer la Guyenne, la Bretagne et les Flandres sous leur influence conduisent rapidement à la guerre entre les deux États<ref name="Bordonove135">Georges Bordonove, La guerre de 600 ans, Laffont 1971, page 135</ref>: elle durera 116 ans.
La question dynastique
Pour comprendre la question dynastique de 1328, il faut remonter une dizaine d’années dans le temps :
En 1316, la mort de Louis X le Hutin, deux ans seulement après celle de son père Philippe le Bel, marque la fin du miracle capétien : de 987 à 1316, les rois capétiens ont toujours eu un fils à qui transmettre la couronne à leur mort. De sa première épouse, Marguerite de Bourgogne qui fut condamnée pour infidélité<ref>Marguerite de Bourgogne, a été condamnée après avoir été reconnue coupable d'entretenir depuis 1311, des relations d'adultère avec le chevalier Philippe d’Aunay</ref>, Louis X le Hutin n’a qu’une fille, Jeanne de Navarre. À sa mort, sa seconde femme attend un enfant. Un fils naît : Jean Ier dit le Posthume, mais il ne vit que quelques jours. Cas inédit jusqu’alors, l’héritier direct du royaume de France se trouve donc être Jeanne de Navarre, une femme. La décision qui est prise à ce moment est très importante, car elle est devenue coutume et fut appliquée sur la question dynastique qui se posa en 1328. L’infidélité de la reine Marguerite n'est qu'un prétexte pour l’éviction de sa fille Jeanne, et du choix de Philippe V (frère de Louis X le Hutin) comme roi de France. En fait, il s’agit d’un choix géopolitique, le refus de voir un éventuel étranger épouser la reine et diriger le pays. Le choix du monarque français se fonde sur l'hérédité et le sacre, mais l’élection reprend ses droits en cas de problème. Le principe de la loi salique découle de la volonté des Capétiens de renforcer leur possessions en rattachant à la couronne les fiefs de leurs vassaux sans héritiers mâles: Philippe le Bel avait introduit la « clause de la masculinité », selon l’expression de Jean Favier, en révisant, la veille de sa mort, le statut de l’apanage de Poitou qui, « faute d’héritier mâle, reviendrait à la couronne de France »<ref name="Ducret" />. La loi salique n’est pas invoquée lors du choix du nouveau roi de France. Ce n’est que trente ans plus tard, vers 1350, qu’un bénédictin de l’abbaye de Saint-Denis, qui tient la chronique officielle du royaume, invoque cette loi pour renforcer la position du roi de France dans le duel de propagande qu’il livre à Édouard III d’Angleterre<ref>Jean Favier, La Guerre de Cent Ans, Marabout 1985, page 37</ref>. Cette loi date des Francs et stipule que les femmes doivent être exclues de la « terre salique ». Salique provient de la ville de SalaModèle:Ref nécessaire, aujourd'hui Overijse, en Belgique, terre des Francs saliens. Cette loi est reprise, adaptée à la situation et avancée comme argument de poids dans les disputes sur la légitimité du roi.
Après le court règne de Philippe V, décédé sans héritier mâle, c’est son plus jeune frère, Charles IV, qui, bénéficiant du précédent posé par son aîné, ceint à son tour la couronne. Mais son règne dure également peu de temps.
Quand ce troisième et dernier fils de Philippe le Bel meurt sans descendant mâle en 1328, la question dynastique est la suivante : [[Isabelle de France (1292-135Image:Cool.gif|Isabelle de France]], dernière fille de Philippe le Bel, a un fils, Édouard III, roi d’Angleterre. Peut-elle transmettre un droit qu’elle ne peut elle-même exercer selon la coutume fixée dix ans plus tôt ? Édouard III se propose comme candidat, mais c’est Philippe VI de Valois qui est choisi<ref name="Ducret" />. Il est le fils de Charles de Valois , frère cadet de Philippe le Bel et descend donc par les mâles de la lignée capétienne. Les pairs de France refusent de donner la couronne à un roi étranger, suivant la même logique de politique nationale que dix ans auparavant<ref>Comment le père au roi Édouard fut marié à la fille au beau roi Philippe de France.Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie I, chapitre 3 pages 5-6 Bibliothèque Nationale de France</ref>. Avec bien certaines réticences, Édouard III d’Angleterre prête alors hommage à Philippe VI, étant son vassal au titre de la Guyenne<ref>Comment le roi de France envoya en Angleterre de son plus espécial conseil, pour savoir par les registres d’Angleterre comment le dit hommage se devoit faire; et comment le roi d’Angleterre lui envoya unes lettres, contenant le dit hommage..Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie I, chapitre 53 pages 43-45 Bibliothèque Nationale de France</ref>Édouard III, ayant prêté hommage et reconnu pour roi Philippe VI de Valois, et ayant dû accepter des concessions en Guyenne (mais il se réserve le droit de réclamer les territoires arbitrairement confisqués)<ref name="Ducret" />, il s'attend à ce qu'on lui laisse les mains libres en Écosse. Mais Philippe VI confirme son soutien à David Bruce, Édouard III saisit alors le prétexte de sa légitimité royale pour déclencher la guerre<ref name = "Balard234">Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident,Hachette 2003, page 234</ref>.
La querelle de Guyenne
Cette querelle est encore plus importante que la question dynastique pour expliquer le déclenchement de la guerre<ref name = "Balard234"/>. La Guyenne pose un problème considérable aux rois de France et d’Angleterre : Édouard III se trouve être le vassal de Philippe VI de France et doit donc reconnaître la souveraineté du roi de France sur la Guyenne. Or, les deux monarchies s’opposent depuis plusieurs générations.
En 1323, le père de Philippe VI, Charles de Valois, en expédition pour le compte du roi Charles IV le Bel, fait saisir une bastide fortifiée construite par les Anglais à Saint-Sardos, en plein territoire du duc de Guyenne, malgré les plus vives protestations et recours en justice d'Edouard II d'Angleterre et du seigneur voisin Raymond-Bernard de Montpezat. Ce dernier répliqua par les armes le 16 octobre 1323, alors que le procureur du Roi de France se trouvait à St-Sardos pour officialiser l'alliance. A la tête de sa troupe, renforcée d'éléments anglais, le seigneur de Montpezat attaqua le château de St-Sardos et ruina le village. Il fit passer la garnison au fil de l'épée et le représentant de Charles IV fut pendu. Devant ce prétexte tout trouvé, le Parlement, arguant que le duc de Guyenne n’avait pas prêté hommage à son suzerain, confisque le duché en juillet 1324. Le roi de France envahit la quasi-totalité de l'Aquitaine mais accepta de mauvaise grâce de restituer ce territoire en 1325. Pour recouvrer son duché, le roi Édouard II d’Angleterre doit transiger : il envoie son fils, le futur Édouard III, prêter l’hommage mais le roi de France ne lui propose qu’une Guyenne amputée de l’Agenais. Les choses semblent se débloquer en 1327, à l’avènement d’Édouard III qui recouvre son duché contre la promesse d’une indemnité de guerre. Mais les Français, faisant traîner en longueur la remise des terres, forcent Édouard III à venir prêter hommage, ce qu’il fait le 6 juin 1329. Mais, lors de cette cérémonie, Philippe VI fait consigner que l’hommage n’est pas prêté pour les terres qui ont été détachées du duché de Guyenne par Charles IV le Bel (en particulier l’Agenais). Édouard considère que son hommage n’implique pas la renonciation de la revendication des terres extorquées<ref>(en) Hundred Years War. The Columbia Encyclopedia, 6th ed. New York: Columbia University Press, 2001–04. Les lecteurs francophones pourront trouver plus amples informations à l’adresse suivante: Les Valois directs: Philippe VI. Édouard III roi d’Angleterre prête hommage à Philippe VI (6 juin 1329) chrisagde.free.fr. Ce site, très clair et en français moderne, ne cite pas ses sources mais suit les chroniques de Jean Froissart :Comment le roi de France envoya en Angleterre de son plus espécial conseil, pour savoir par les registres d’Angleterre comment le dit hommage se devoit faire; et comment le roi d’Angleterre lui envoya unes lettres, contenant le dit hommage.Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie I, chapitre 53 pages 43-45 Bibliothèque Nationale de France</ref>.
Intrigues et déclaration de guerre
La tension monte entre les deux souverains d'autant que la noblesse pousse au conflit, elle débouche inévitablement sur la déclaration de guerre en 1337.
Le roi de France aide les Écossais dans leur combat contre l’Angleterre. C’est la politique menée depuis plusieurs siècles par les rois capétiens : il s’agit de la Vieille Alliance. Le roi d’Écosse, David Bruce, a été chassé par Édouard III en 1333 et Philippe VI l’héberge à Château-Gaillard et réarme ses partisans en attendant qu’il ait reconstitué des forces suffisantes pour reprendre pied en Écosse.
En 1334, il convoque les ambassadeurs anglais, dont l’archevêque de Canterbury et leur précise que l’Écosse de David Bruce est comprise dans la paix<ref>Comment le roi David d’Escosse avec la roine sa femme vinrent à Paris au roi de France; et comment il et tous les barons d’Escosse lui promirent et jurèrent qu’ils ne feroient point paix aux Anglois sans son conseil. Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie I, chapitre 75 page 67 Bibliothèque Nationale de France.</ref><ref name = "Valois">Les Valois directs : Philippe VI. Édouard III roi d’Angleterre prête hommage à Philippe VI (6 juin 1329) chrisagde.free.fr</ref>. En 1335 David Bruce peut attaquer les îles anglo-normandes grâce à une flotte financée par Philippe VI. C'est un échec, mais cela fait craindre à Édouard III une invasion de l'Angleterre<ref>Georges Bordonove, La guerre de 600 ans, Laffont 1971, page 132</ref>.
Édouard III intrigue en Flandres, son mariage avec Philippa de Hainaut lui permet de tisser des liens dans le nord de la France et dans le Saint-Empire : Robert d'Artois est réfugié à Londres depuis 1336<ref>André Castelot et Alain Decaux Histoire de la France et des Français au jour le jour Volume 3 (1270 à 140Image:Cool.gif, partie 2 - page 34</ref>, il a acheté l'alliance du comte de Hainaut ainsi que celle de l'empereur Louis de Bavière pour 300 000 Florins et le Duc de Brabant ainsi que le comte Gueldre se tournent vers lui<ref name="Theis273">Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, page 273</ref>. Les Flamands sont outrés par le ralliement du comte Louis Ier de Flandre au roi de France et de la pression fiscale qui s'ensuit, mais en cas de relance du conflit avec le roi de France, ils devraient verser une lourde amende au pape (qui a le pouvoir de les excommunier ou de jeter l'interdit sur les villes flamandes). Il est prévu avec Jacob Van Artevelde (l'homme fort de l'opposition flamande) que les Flandres reconnaissent Édouard comme roi de France ce qui permet de contourner cet accord<ref name="Bordonove135" />. Louis de Nevers réagit en arrêtant des marchands anglais. Édouard III coupe l’approvisionnement en laine de cette région en août 1336<ref name="Theis273"/>, menaçant son économie<ref name="Bordonove135" />, constituée essentiellement de draperie et de tissage. La Flandre se révolte contre les Français en 1337.
Par mesure de rétorsion, Philippe VI décide donc de confisquer la Guyenne pour félonie. Édouard III d’Angleterre réplique en revendiquant la couronne de France. Le 7 octobre 1337, un archevêque est envoyé à Paris pour jeter le gant à « Philippe, qui se dit roi de France »<ref name="Ducret" />. La guerre commence.
Principales phases du conflit
Modèle:Chronologie de la guerre de cent ans La guerre de Cent Ans comprend deux grands mouvements qui répondent à une même structure : une première période, de 1337 à 1380, qui voit l’effondrement de la puissance de la monarchie française, puis une période de crise suivie d’un rétablissement et d’une seconde période, de 1415 à 1453, reproduisant le même cycle : effondrement, crise, rétablissement. Ces deux périodes sont séparées par une longue trêve provoquée par des conflits de pouvoir dans les deux camps.
On peut subdiviser chacune de ces deux grandes périodes en deux phases :
- De 1337 à 1364, le génie tactique d’Édouard III d’Angleterre entraîne une succession de victoires anglaises sur la chevalerie française. La noblesse française est complètement discréditée et le pays sombre dans la guerre civile. À la suite du traité de Brétigny, une grande partie de la France est contrôlée par les Anglais.
- De 1364 à 1380, Charles V entame une patiente reconquête du territoire. Le roi a compris que la victoire finale se jouerait sur le sentiment d’appartenance nationale. Il laisse les Anglais ravager la campagne par des chevauchées alors que lui-même soulage la population en envoyant les Grandes compagnies combattre en Castille. Évitant les batailles rangées qui ont été désastreuses durant la première phase du conflit, il reprend progressivement plusieurs places fortes à l’ennemi. En 1375, Édouard III ne contrôle plus sur le continent que Calais, Cherbourg, Brest, Bordeaux, Bayonne, et quelques forteresses dans le Massif central.
- De 1380 à 1429, la minorité puis la folie de Charles VI permet aux « grands », les membres de la haute noblesse française, de prendre le contrôle du royaume. Il en résulte une rivalité entre les ducs de Bourgogne et d’Orléans qui dégénère en guerre civile. Henri V en joue et reprend du terrain sur le continent. Il en résulte le désastre français de la bataille d’Azincourt. En 1419, l’assassinat de Jean sans Peur entraîne une alliance anglo-bourguignonne et l’effondrement du parti d’armagnac. En vertu du traité de Troyes de 1420, Henri V épouse la fille de Charles VI, devient l’héritier de ce dernier et cumule les titres de roi d’Angleterre et de régent de France. Le Dauphin Charles est déshérité. Cependant, à la suite de la mort prématurée d’Henri V, son fils Henri VI, âgé de quelques mois, prend le titre de roi de France et d’Angleterre.
- De 1429 à 1453, les Anglais sont progressivement chassés de France. Jeanne d’Arc cristallise le sentiment national et assoit Charles VII sur le trône en dépit du traité de Troyes qui l’avait déshérité. Les Anglais privés du soutien de la population sont lentement chassés du continent. En 1435, le traité d’Arras met fin à l’alliance anglo-bourguignonne et déséquilibre définitivement le rapport de force en faveur des Français. En 1453, les Anglais ne contrôlent plus que Calais suite à leur défaite subie à Castillon. Mais la paix n’est finalement signée qu’en 1475, sous les règnes de Louis XI et d’Édouard IV.
Les victoires d’Édouard III : de 1337 à 1364
La guerre par procuration
Si la guerre est déclarée en 1337, le conflit ne débute que plus tard. Les deux rois ne sont pas riches, et doivent négocier les impôts avec leur parlement respectif, voire emprunter l’argent nécessaire à la guerre.
Les belligérants commencent la guerre par alliés interposés. Ainsi, Édouard III d’Angleterre soutient Jean de Montfort contre Charles de Blois, parent de Philippe VI, lors de la guerre de succession de Bretagne<ref> Comment le comte de Montfort s’en alla en Angleterre et fit hommage au roi d’Angleterre de la duché de Bretagne.Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie I, chapitre 152 pages 133-134 Bibliothèque Nationale de France et Comment les douze pairs et les barons de France jugèrent que messire Charles de Blois devoit être duc de Bretagne; et comment ledit messire Charles les pria qu’ils lui veuillent aider.Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie I, chapitre 154 page 134 Bibliothèque Nationale de France</ref>. De leur côté, les Français soutiennent les Écossais en guerre contre les Anglais<ref> Comment le roi David d’Escosse avec la reine sa femme vinrent à Paris au roi de France; et comment il et tous les barons d’Escosse lui promirent et jurèrent qu’ils ne feroient point paix aux Anglois sans son conseil.Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie I, chapitre 75 page 67 Bibliothèque Nationale de France</ref>.
Au début du conflit, tandis qu’Édouard III, en tant que petit fils de Philippe le Bel, peut revendiquer la couronne de France, le roi de France, n’ayant pas de revendication sur la couronne d’Angleterre, n’a qu’un but : récupérer la Guyenne. Il lui faut donc contraindre Édouard III d’Angleterre à en accepter la confiscation et à mettre fin à ses prétentions à la couronne de France.
Les Français, avec le renfort de mercenaires génois, ont le rapport de force maritime pour eux. Ainsi, la flotte française pille régulièrement les ports anglais. Une stratégie de blocus est imaginée car le vin de Guyenne et le sel de Bretagne ou de Poitou sont vitaux pour l’Angleterre<ref>Pour des raisons de santé publique : à l’époque le vin est plus salubre que l’eau et le sel indispensable à la conservation des aliments. Y a-t-il une pensée navale dans l’occident médiéval?, Philippe Richardot, Stratis.org</ref>. Le commerce de la laine vers les Flandres et du vin de Bordeaux est interrompu et les finances anglaises sont au plus mal. Les drapiers Flamands sévèrement touchés par le conflit se soulèvent contre leur comte Louis Ier de Flandre. Ils sont conduits par Jacob Van Artevelde qui a pris le pouvoir en Flandres et s’allient au roi d’Angleterre.<ref>Comment les seigneurs d’Angleterre firent alliance avec les Flamands par donner et par promettre, et espécialement avec Jaquemart d’Artevelle.Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie I, chapitre 66 page 60 Bibliothèque Nationale de France</ref>.
Le commerce ayant repris avec l’Angleterre, les Français envoient leur flotte à Sluys, à l’embouchure du canal reliant Bruges à la Mer du Nord, pour imposer un blocus naval. Le 24 juin 1340, lors de la bataille de l’Écluse, la flotte française subit une sévère défaite qui inverse le rapport de force maritime. Cette défaite met fin au projet d’envoyer des troupes françaises soutenir les Écossais, et permet à Édouard III d’Angleterre de relancer le commerce de la laine<ref>(en) The Effects of the Battle of Sluys upon the Administration of English Naval Impressment, 1340-1343 J. S. Kepler, Speculum, Vol. 48, No. 1 (Jan., 1973), pp. 70-77 [9]</ref>. Au début des années 1340, le retour des laines anglaises ne ramène cependant pas la prospérité en Flandres et l’autorité de Jacob Van Artevelde est de plus en plus contestée. De plus, le pape Clément VI ayant lancé une excommunication aux Flamands parjures<ref name="Bordonove135" />, Louis de Flandre parvient à reprendre pied dans le comté et force Jacob Van Artevelde à répondre par une fuite en avant. Ce dernier désavoue le comte de Flandre et propose le comté à Edouard de Woodstock, fils d’Édouard III d’Angleterre, le futur Prince Noir. Mais il est trop tard pour lui. Contesté dans sa ville même de Gand, Jacob Van Artevelde est assassiné lors d’une émeute le 17 ou le 24 juillet 1345. La Flandre abandonne dès lors Édouard III et se rallie à la France<ref>(en) Jacob van Artevelde (2007). In Encyclopædia Britannica. Retrieved January 10, 2007, Britannica Concise Encyclopedia</ref>.
Fort de sa nouvelle maîtrise maritime, une armée d’Édouard III d’Angleterre débarque à Brest en 1343. Toutefois, son allié Jean de Montfort est capturé à Nantes puis meurt en 1345. Charles de Blois reste seul prétendant au duché de Bretagne. Une trêve est signée en Bretagne, les Anglais gardent le contrôle de Brest jusqu’en 1397.
Redoutant une invasion anglaise, Philippe VI parvient à convaincre son vieil allié écossais d’attaquer l’Angleterre par le nord car, Édouard III ayant regroupé son armée au sud du pays, la frontière écossaise devrait être peu défendue<ref name="Marshall">(en) Henrietta Elizabeth Marshall, David II.—The Battle of Neville's cross, Scotland's Story page 194 The Baldwin Project</ref> . Le 7 octobre 1346, David II, roi d’Écosse attaque l’Angleterre à la tête de Modèle:Formatnum:12000 hommes. Mais il est défait et capturé à la bataille de Neville’s Cross. Édouard III d’Angleterre a les mains libres pour débarquer en France.
Les chevauchées
À cette époque, la France est, avec 20 millions d’habitants, cinq fois plus peuplée que l’Angleterre. La chevalerie française est la plus nombreuse et la plus aguerrie d’Europe. C’est pourquoi Édouard III n’envisage pas de tenir le terrain. Il prévoit une guerre de pillage qui a le mérite de s’autofinancer. La première des célèbres chevauchées anglaises date de 1346 : une armée réduite, mobile, avançant sur un front réduit et pratiquant une guerre totale dévastant systématiquement les régions traversées. Étrange manière de la part d’Édouard III pour prendre possession du royaume qu’il revendique et dont la population, du point de vue juridique anglais, est perçue comme soutenant un usurpateur, Philippe VI de Valois.
Les deux armées se rencontrent à Crécy le 26 août 1346. Les Français sont plus nombreux, mais l’armée française, comptant sur sa chevalerie puissante, affronte une armée anglaise composée d’archers et de fantassins en cours de professionnalisation. Les tactiques utilisées découlent de l’organisation sociale différente des deux pays. La France est un pays féodal et religieux dont la noblesse doit justifier sur le champ de bataille l’origine divine de son pouvoir : on doit vaincre l’adversaire face à face dans un corps à corps héroïque. La noblesse française applique à la lettre les codes de la chevalerie, et combat courtoisement : c’est-à-dire en évitant de tuer un chevalier ennemi de sang noble, mais plutôt en cherchant à le capturer afin de le rançonner.Au vu de leur grande supériorité numérique, les Français sont certains de l’emporter à Crécy. Or, confrontée à la baisse de ses revenus fonciers, la noblesse compte se renflouer avec les rançons demandées en échange des chevaliers adverses capturés.<ref name = "Balard231"/>. Dès lors, chacun veut atteindre le plus vite possible l’ennemi anglais afin de se tailler la part du lion ; personne n’obéit aux ordres du roi Philippe VI qui, emporté par le mouvement, est contraint de se lancer à corps perdu dans la bataille. Gênés dans leur progression par leurs propres piétons et les arbalétriers mercenaires génois mis en déroute par la pluie de flèches anglaises, les chevaliers français sont obligés d’en découdre avec leurs propres hommes. C’est un désastre du côté français où Philippe VI de Valois s’illustre par son incompétence militaire : les chevaliers français chargent par vagues successives le mont de Crécy, mais leurs montures (à l’époque non ou peu protégées) sont massacrées par les pluies de flèches décochées par les archers anglais abrités derrière des rangées de pieux. Peinant à se relever de leur chute, les chevaliers français, lourdement engoncés dans leurs armures, sont des proies faciles pour les fantassins qui n’ont plus qu’à les achever<ref>(en) The Battle of Crécy, Jonathan Blair myarmoury.com</ref>.
L’armée française anéantie, Édouard III remonte vers le nord et met le siège devant Calais. Avec une armée de secours, le roi de France essaye bien de lever le blocus de la ville, mais n’ose pas affronter Édouard III.C’est dans de dramatiques circonstances, au cours desquelles les célèbres bourgeois de Calais remettent les clés de leur ville aux assiégeants, que Calais passe sous domination anglaise, laquelle va durer jusqu’au Modèle:XVIe siècle. Philippe VI négocie une trêve avec Édouard III, qui en position de force, obtient la souveraineté pleine et entière sur Calais.
Si la peste noire, ou Grande Peste, de 1349 oblige les belligérants à cesser le combat jusqu’en 1355, elle est aussi vécue comme une punition divine<ref name="Theis269"/>. Philippe VI doit sa couronne à un vote des pairs de France qui ont écarté Édouard III et Philippe d’Evreux. Vaincu par une armée nettement inférieure en nombre à Crécy, le roi de France a dû fuir ce qui met en doute la légitimité divine de son pouvoir<ref>Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, pages 278 et 279</ref>. Le prestige et l’autorité royale des Valois sont donc profondément altérés<ref name="Theis269">Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, p. 269</ref>. Le désordre s’installe dans le royaume sans que son successeur, Jean II le Bon, parvienne à inverser la tendance. L’économie va mal et, pour éviter de recourir aux impôts de plus en plus impopulaires, l'état recoure à des mutations qui dévaluent brutalement la monnaie<ref name="Franc"/>; le commerce se réduit comme une peau de chagrin<ref name="Balard280"/> ce qui conduit les commerçants et artisans à souhaiter plus d’autonomie pour les villes et une monnaie stable. Les mercenaires démobilisés se regroupent en bandes et forment les Grandes compagnies qui terrorisent et pillent les campagnes. L’insécurité grandit sur les routes et dans les campagnes : la noblesse ne remplit plus le rôle qui lui est imparti dans la société féodale.Le roi de Navarre Charles le Mauvais est le petit-fils de Louis X le Hutin. Sa mère Jeanne a renoncé à la couronne de France en 1328, mais il se considère comme l’héritier légitime du trône et passe sa vie à comploter pour le récupérer. Il conclut une alliance avec le Prince Noir<ref>Cy parle des alliances du roi Charles de Navarre et des enfans de Navarre avec le roi d’Angleterre.Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie II, chapitre 15 pages 303-306 Bibliothèque Nationale de France</ref> et fait assassiner le favori du roi Charles de la Cerda. Jean le Bon, qui ne souhaite pas rompre la trêve avec les Anglais, est obligé d’accepter le traité de Mantes (le 22 février 1354)<ref>Comment messire Charles d’Espaigne fut occis par le fait du roi Charles de Navarre à Laigle en Normandie, et comment le roi Jean voulut contrevenger sa mort.Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie II, chapitre 13 page 301 Bibliothèque Nationale de France</ref>. Par ce dernier, le Navarrais agrandit son domaine normand de plusieurs vicomtés et fiefs : Beaumont-le-Roger, Breteuil, Conches, Pont-Audemer, Orbec, Valognes, Coutances et Carentan. En contrepartie, il abandonne ses prétentions sur la Champagne.
Assuré du bien-fondé de cette stratégie, et obsédé par le titre de roi de France, il n’hésite pas à conclure un pacte avec Jean de Gand, le troisième fils d'Édouard III<ref>André Castelot et Alain Decaux, Histoire de la France et des Français au jour le jour vol. 3, partie 2 de 1316 à 1358, p. 92 : « novembre 1354, Charles le Mauvais conclut avec le duc de Lancastre un pacte qui prévoit le démembrement de la France : Édouard recevra la couronne de France mais laissera à son cousin Charles de Navarre la Normandie, la Champagne, la Brie, le Languedoc et quelques autres fiefs. Malheureusement, ces négociations échouent ».</ref> au terme duquel la France (dont il obtiendrait la couronne) serait tout simplement partagée<ref>Raymond Cazette,Étienne Marcel, Taillandier 2006, p. 121</ref>. Mais c’est en vain qu’il attend le débarquement promis par Édouard III.
Confronté à la menace anglaise, Jean le Bon doit convoquer les états généraux, le 28 décembre 1355, pour lever l’armée de Modèle:Formatnum:30000 hommes nécessaire. Ceux ci sont extrêmement méfiants quant à la gestion des finances publiques (échaudés par les dévaluations entraînées par les mutations monétaires<ref> Le roi pouvait changer le cours d’une monnaie : il favorisait ainsi les monnaies royales à forte teneur en or face aux monnaies d’argent frappées par ses vassaux Le Franc histoire d’une monnaie. Les mécanismes de mutation Bibliothèque Nationale de France et Le Moyen Âge en Occident, Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, p. 273</ref>) et n’acceptent la levée d’une taxe sur le sel (la gabelle) que si les états généraux peuvent en contrôler l’application et l’utilisation des fonds prélevés. Les officiers qui prélèveraient la taxe doivent être désignés par les états généraux et 10 députés doivent entrer au conseil du roi afin de contrôler les finances<ref>Jourdan, Decrusy et Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution de 1789, Paris : Belin-Leprieur : Plon, 1821-1833, pages 738-745 Bibliothèque Nationale de France</ref>.
Pendant son incarcération, Charles de Navarre gagne en popularité. Ses partisans le plaignent et réclament sa libération. La Normandie gronde et nombreux sont les barons qui renient l’hommage prêté au roi de France et se tournent vers Édouard III d’Angleterre. Pour eux, Jean le Bon a outrepassé ses droits en arrêtant un prince avec qui il a pourtant signé la paix. Pire encore, ce geste est perçu par les « Navarrais » comme le fait d’un roi qui se sait illégitime et espère éliminer un adversaire dont le seul tort est de défendre ses droits à la Couronne de France. Philippe de Navarre le frère de Charles le Mauvais envoie son défi au Roi de France le 28 mai 1356<ref>Autrand, Charles V, Fayard 1994, p.188</ref>. Les Navarrais et particulièrement les seigneurs normands passent en bloc du côté d'Edouard III qui, dès le mois de juin, lance ses troupes dans de redoutables chevauchées, en Normandie et en Guyenne<ref>Le roi Jean II le bon fut-il un mauvais roi ?, Duc de Lévis Mirepoix, Historama Janvier 2003 [10]</ref>
Après avoir su mater d'une main de fer une rébellion dans son comté anglais de Chester, Edouard de Woodstock, fils aîné d'Edouard III, se voit gratifié de la confiance de son père qui lui confie le poste de "lieutenant de Gascogne": ainsi commence la première chevauchée du fameux capitaine anglais. En 1355, le Prince Noir, parti de Bordeaux, pille la campagne française à travers les comtés de Julliac, d'Armagnac et d'Astarac. Ses troupes commettent de nombreuses atrocités dans la région de Carcassonne. L'été de l'année suivante, le Prince Noir revient sur le sol Français pour une nouvelle campagne de pillages. Il échoue devant Bourges, mais prend Vierzon dont la garnison est massacrée. Gênée par le poids du butin, sa troupe oblique alors vers l'ouest, puis vers Bordeaux en passant par Poitiers. Jean II le Bon le poursuit avec une armée deux fois plus nombreuse, composée de chevaliers lourds, et le rattrape dans les environs de Poitiers. La bataille de Poitiers a lieu le 19 septembre 1356. Jean II est pris de vitesse par son avant-garde qui attaque sans aucune coordination. Le reste de l'armée française, devant la confusion de la bataille, perd confiance et tourne casaque, et le roi est fait prisonnier avec un de ses fils cadets Philippe : c’est un nouveau désastre <ref>(en) The Battle of Poitiers,Chad Arnow myarmoury.com</ref>. Édouard III a toutes les cartes en main pour négocier d’importantes concessions territoriales et financières. En janvier 1358, Charles de Navarre libéré est en mesure de prendre le pouvoir (il est considéré par beaucoup comme plus apte à combattre l'ennemi anglais et plus légitime que le chétif dauphin<ref>Raymond Cazette,Étienne Marcel, Taillandier 2006, p. 230</ref>). Jean le Bon doit reprendre les choses en main et négocie sa libération: il accepte le premier traité de Londres qui prévoit que l’Angleterre récupère l’ensemble de ses anciennes possessions d’Aquitaine et une rançon de 4 millions d’écus sans renonciation à la couronne de France<ref>Raymond Cazette,Étienne Marcel, Taillandier 2006, p. 240</ref>. À cette occasion, est frappée la première monnaie appelée « franc », ce mot prenant ici le sens de « libre ». Le butin et les rançons acquises à la suite de cette bataille furent tellement importants que de nombreux châteaux anglais furent rénovés ou reconstruits avec ces fonds. <ref>Natalie Fryde, l'Histoire, H.S. n°16, juillet 2002 pp 28-33</ref>
Les Valois contestés
Après la bataille de Poitiers, les mercenaires démobilisés se regroupent en grandes compagnies et pillent le pays ce qui accroît le mécontentement populaire. Les défaites de Crécy et Poitiers ont jeté le discrédit sur la noblesse qui est censée prouver l’ascendance divine de son pouvoir sur le champs de bataille<ref>Chroniques de Jean Froissart: 1356-1364 : depuis la captivité du roi Jean jusqu’à la bataille de Cocherel Kervyn de Lettenhove, p. 1 Bibliothèque Nationale de France</ref>. Le roi étant prisonnier, son fils aîné , le Dauphin Charles, réunit les états généraux à partir du 15 octobre 1356. Étienne Marcel, le prévôt des marchands de Paris, y voit la possibilité de mettre en place un régime parlementaire. Allié au parti Navarrais regroupé autour de l’évêque de Laon Robert Le Coq, il impose le 7 novembre la création d’un comité de 80 membres au sein des états généraux<ref name="Cazelles 151">Raymond Cazelles,Étienne Marcel, Taillandier 2006, p. 151</ref> (pour faciliter les discussions) qui appuie leurs revendications. Les états généraux, déclarent le dauphin lieutenant du roi et défenseur du royaume en l’absence de son père et lui adjoignent un conseil de douze représentants de chaque ordre<ref>Jourdan, Decrusy et Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution de 1789, Paris : Belin-Leprieur : Plon, 1821-1833, pages 769-794 Bibliothèque Nationale de France. D’autres sources font état de douze représentants de la noblesse, douze représentants du tiers état et six du clergé : Georges Duby, le Moyen Âge, Seuil 1995, p. 489</ref>. Le Dauphin est proche du courant réformateur est n'est pas contre les réformes proposées. mais, bien vite de profonds désaccords surviennent entre le conseil et le dauphin qui refuse de faire juger les anciens conseillers de son père honnis pour avoir brutalement dévalué la monnaie à plusieurs reprises pour renflouer les caisses de l’État<ref name="Franc">Le Franc histoire d’une monnaie. La création du Franc Bibliothèque Nationale de France</ref> ainsi que de faire libérer Charles le Mauvais qui est fortement soutenu (il pourrait y avoir un changement dynastique). Voyant qu’il ne peut contenir les revendications d’Étienne Marcel et de Robert le Coq qui veulent faire libérer Charles de Navarre, le dauphin essaye de gagner du temps et réserve sa réponse (prétextant l'arrivée de messagers de son père<ref name="Cazelles 151"/>), puis congédie les états généraux et quitte Paris, son frère le duc d’Anjou réglant les affaires courantes. Le 10 décembre, le dauphin publie une ordonnance donnant cours à une nouvelle monnaie. Cela provoque une levée de boucliers dans la population qui y voit le risque d’une nouvelle dévaluation et donc d’une forte inflation. Des échauffourées éclatent et Étienne Marcel fait pression sur le duc d’Anjou puis sur le dauphin qui doit révoquer l’ordonnance et rappeler les états généraux<ref>H. Gourdon de Genouillac, Paris à travers les âges : histoire nationale de Paris et des parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu’à nos jours. Tome premier ; ouvr. réd. sur un plan nouveau et approuvé par Henri Martin p. 179-183 Bibliothèque Nationale de France</ref>. Ceux-ci sont rappelés pour février 1357 et le dauphin accepte une grande ordonnance, qui est promulguée le 3 mars suivant et prévoie le contrôle des finances par les états généraux, l’épuration de l’administration (et particulièrement des collecteurs d’impôts), et enfin le remplacement du conseil du roi par un conseil de tutelle au dauphin, où seraient présents douze députés de chaque ordre des états généraux, mais où il n'est plus question de la libération de Charles de Navarre qui ferait peser un danger réel pour la couronne des Valois.
Le 9 novembre 1357, le « Navarrais » est libéré de prison par Jean de Picquigny, à l'instigation d’Étienne Marcel et de Jean Lecoq<ref>Comment le roi de Navarre fut délivré de prison par le confort du prévôt des marchands. Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie II, chapitre 63 page 374 Bibliothèque Nationale de Franceet Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p.278-279</ref>.Le retours de Charles de Navarre est méticuleusement organisé : il est libéré le 9 Novembre, il est reçu avec le protocole du au roi dans les villes qu’il traverse, accueilli par les notables et la foule réunie par les états. Le même cérémonial se reproduit à chaque ville depuis Amiens jusqu’à Paris : Il entre avec une magnifique escorte, est reçu par le clergé et les bourgeois en procession, puis il harangue la foule toute acquise, expliquant qu’il a été injustement spolié et incarcéré par Jean le bon alors qu’il est de droite lignée royale. Mis devant le fait accompli le dauphin ne peut refuser la demande d’Étienne Marcel et de Robert le Coq et signe des lettres de rémissions pour le Navarrais qui effectue tranquillement son triomphal retour. Il rentre à Paris le 29 novembre et harangue Modèle:Formatnum:10000 personnes rassemblées par Étienne Marcel (ce qui est considérable pour l’époque)<ref>Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994,p.280-281</ref>. Le 30 Novembre il harangue Modèle:Formatnum:10000 parisiens réunis par Étienne Marcel au pré aux clercs. Le 3 décembre Étienne Marcel s’invite avec un fort parti bourgeois au conseil qui doit décider de la réhabilitation de Charles de Navarre, sous prétexte d’annoncer que les états réunis aux cordeliers ont consenti à lever l’impôt demandé par le dauphin et qu’il ne reste que l’accord de la noblesse à obtenir (qui se réunie séparément des autres états). Au vu de cette démonstration de force, le dauphin ne peut faire autrement que de se réconcilier avec Charles de Navarre et lui restituer ses possessions normandes<ref>Raymond Cazelles,Étienne Marcel, Taillandier 2006, p. 258</ref>. Ce dernier élève des prétentions sur plusieurs provinces (dont la Champagne dont il a été dépossédé par Jean le Bon). Le dauphin ne peut encore faire que d’acquiescer et de réhabiliter Charles le Mauvais<ref>Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994,p.282</ref>, mais pis encore les états doivent trancher la question dynastique le 14 Janvier 1358. La couronne des Valois est menacée. Charles Mauvais exploite le mois d’attente pour faire campagne.
Craignant que le Navarrais puisse s'emparer du pouvoir, Jean le Bon doit reprendre les choses en main et négocie sa libération: il accepte le premier traité de Londres qui prévoit que l’Angleterre récupère l’ensemble de ses anciennes possessions d’Aquitaine et une rançon de 4 millions d’écus sans renonciation à la couronne de France<ref>Raymond Cazelles,Étienne Marcel, Taillandier 2006, p. 240</ref>. De même Jean II, depuis sa prison de Londres, interdit l'application de la grande ordonnance, ce qui provoque un conflit ouvert entre Étienne Marcel et le dauphin.
Le 13 janvier 1358, les états généraux sont de nouveau convoqués par le conseil de tutelle (qui est après épuration est contrôlé par des proches d'Étienne Marcel)<ref>Raymond Cazelles,Étienne Marcel, Taillandier 2006, p. 185</ref>. Devant l’opposition du dauphin, Étienne Marcel décide d’imposer sa réforme par la force et rallie les commerçants parisiens à sa cause. Il crée une milice sous prétexte de défense contre les éventuelles attaques des Anglais, alors repliés à Bordeaux et renforce les fortifications de Paris.
Le 22 février 1358, Étienne Marcel, escorté par de nombreux hommes en armes et à la tête d’une foule rageuse, envahit le palais royal de la Cité où réside le dauphin. Voulant s’interposer, le maréchal de Champagne Jean de Conflans et le maréchal de Normandie Robert de Clermont sont tués devant le dauphin, qui croit sa dernière heure arrivée. Marcel l’oblige à coiffer le chaperon rouge et bleu et à renouveler l’ordonnance de 1357<ref>Henri Gourdon de Genouillac, Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu’à nos jours, paru en 1879 Le Paris pittoresque.</ref>. Puis c’est la chasse à l’homme au cours de laquelle l’avocat général, Renaud d’Acy, qui s’était réfugié dans une pâtisserie, est égorgé férocement.
Il force ensuite le dauphin à ratifier le meurtre de ses conseillers. Le dauphin ne peut qu’accepter un nouveau changement institutionnel : son conseil est épuré : 4 Bourgeois y rentrent, le gouvernement et les finances sont aux mains des états<ref>Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994,p. 302</ref>, Charles le Mauvais reçoit un commandement militaire et de quoi financer une armée de Modèle:Formatnum:1000 hommes, le dauphin lui obtient de devenir régent du royaume ce qui permet de ne plus tenir compte des décisions du roi tant qu’il est en captivité (et en particulier des traités de paix inacceptables) <ref>Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994,p. 304</ref>.
Préférant s’éloigner de la fureur parisienne, le Dauphin Charles quitte la capitale pour Compiègne: La noblesse qui s'y réuni séparément des deux autres états, pour ratifier la nouvelle ordonnance, à l’abri de toute agitation. Champenois et Bourguignons sont choqués par l'assassinat des maréchaux et rallient le camp du Dauphin. Ce dernier fait solennellement condamner Étienne Marcel par les députés. Fort de ce soutien il s’empare des forteresses de Montereau et de Meaux. L’accès est de Paris est bloqué<ref>Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994,p. 310</ref>. Au sud et à l’ouest les compagnies écument le pays et il est crucial pour Étienne Marcel de préserver les communications avec les villes des Flandres: il faut dégager la route du Nord.
À la fin du mois de mai 1358 se déclenche la Grande Jacquerie : des paysans (principalement de petits propriétaires fonciers), excédés par le renforcement de la rente seigneuriale alors que le prix du blé baisse, se révoltent contre la noblesse. Cette dernière, déjà discréditée par les défaites de Crécy et de Poitiers, n’est plus en mesure de protéger les petites gens. Ce mouvement décrit par les chroniqueurs de l'époque comme extrêmement violent (cette violence a probablement été exagérée) est principalement dirigé contre les nobles qui, s’ils ne sont pas massacrés, voient leurs châteaux pillés et brûlés. Modèle:Formatnum:5000 hommes se regroupent rapidement autour d’un chef charismatique : Guillaume Carl, il reçoit très rapidement des renforts de la part d’Étienne Marcel, dont l’objectif est de libérer Paris de l’encerclement que le dauphin est en train de réaliser en privilégiant l’accès nord qui permet de communiquer avec les puissantes villes des Flandres <ref>Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 320-323</ref>. Le 9 Juin Les hommes du Prévost de Paris et une partie des jacques conduisent un assaut sur le marché de Meaux où est le régent et sa famille pour s’assurer de sa personne<ref>Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 324</ref>. C’est un échec : alors que les jacques se ruent à l’assaut de la forteresse sur le pont qui permet d’y accéder les portes s’ouvrent et ils sont balayés par une charge de cavalerie<ref>Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 325</ref>. Mais le gros des forces de Guillaume Carl vont en découdre à Mello le 10 Juin. Pressé par la noblesse, dont il est le leader et particulièrement par les Picquigny auxquels il doit la liberté et dont le frère vient d’être massacré par les jacques, Charles le Mauvais prend la tête de la répression. Il engage des mercenaires anglais, rallie la noblesse, s’empare de Guillaume Carl venu négocier et charge les jacques décapités<ref>Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, p. 291</ref>. C’est un massacre : la jacquerie se termine dans un bain de sang dont Charles le Mauvais porte la responsabilité et ou le dauphin a su garder les mains propres. Le Navarrais fort de son succès contre les Jacques rallie Étienne Marcel espèrant que la noblesse qu'il vient de mener à la victoire contre les jacques le suive, mais on l'a vu à Compiègne, la noblesse n'a pas pardonné l'assassinat des maréchaux et se place sous la bannière du dauphin. Les troupes du Dauphin sont rejointes par les compagnies qui rêvent de participer au pillage de Paris. Charles de Navarre attend des renforts Anglais pour compenser ses pertes, les Parisiens loyalistes y voient une trahison et se rebellent à leur tour. Le 31 juillet 1358, Étienne Marcel est exécuté alors qu'il cherchait à faire rentrer des mercenaires anglais dans Paris et le dauphin reprend les rênes du pouvoir.
Cependant, le roi Jean II qui cherche à présent à revenir au plus vite pour reprendre le contrôle de la situation, les Anglais peuvent négocier au plus cher sa libération (l’endenture) : ils exigent toutes les terres leur ayant appartenu, soit plus de la moitié du royaume. Accéder à ces revendications affaiblirait encore le pouvoir royal et pourrait relancer la guerre civile, offrant à Édouard III la France (il revendique la couronne étant petit fils de Philippe le Bel).
Le traité de Brétigny
Le dauphin Charles fait appel aux États Généraux qui refusent de signer ce traité humiliant et catastrophique<ref>Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, page 293</ref>. Ce faisant, il se dédouane ainsi que son père et ressoude le pays contre les Anglais. Édouard III décide alors de passer à nouveau à l’action.
Débarquant à Calais le 28 octobre 1359, il chevauche en direction de Reims, la ville du sacre (un sacre y aurait des conséquences catastrophiques pour les Valois puisqu’il tient la vie de Jean le Bon entre ses mains). Mais le dauphin Charles a pris les devants et applique la stratégie de la terre déserte. Il a ordonné à tous les habitants des campagnes de se réfugier, avec toutes leurs provisions et matériels, dans les villes fortifiées. Édouard, traversant un pays vide, doit se contenter de ses réserves. Arrivé devant Reims, il trouve les portes fermées. Il demande la reddition de la cité. Les échevins refusent, par fidélité au Dauphin Charles. L’armée anglaise qui n’était pas équipée pour un siège est obligée de plier bagages au bout d'un mois <ref>Chroniques de Jean Froissart page 235 Bibliothèque Nationale de france</ref><ref name="brte coulet">Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 405</ref>.
Édouard est furieux, il cherche à provoquer une grande bataille avec les Français. Ceux-ci sont invisibles, mais les retardataires et les éclaireurs anglais tombent fréquemment dans des embuscades où ils sont massacrés. Finalement, Édouard arrive devant Paris, où le dauphin s’est enfermé avec la population d’Île-de-France. Malgré les provocations, le dauphin interdit à ses chevaliers de livrer bataille. Il ne veut pas renouveler la défaite de Poitiers.
Au bout de 12 jours, Édouard III doit quitter Paris pour rembarquer le plus vite possible car il n’a plus de vivres, la plupart de ses chevaux étant morts faute de fourrage et il a perdu un nombre non négligeable d’hommes. De plus, un raid de marins normands à Winchelsea<ref name="Laranébret"/> en mars 1360 a semé la panique en Angleterre <ref>On retrouve trace de ces raids dans les chroniques anglaises anonymes de l’époque: (en) The Chronicle of London. Rex Edwardius Tertius 1360, John Wroth, John Deynes et Walt Berneye British Museum</ref>. Dans la Beauce, le reste de son armée est pris dans un violent orage qui la disloque. Cet évènement est perçu comme miraculeux<ref name="brte coulet"/> et l’expression d’une volonté divine et renforce la légitimité des Valois très affaiblie par leurs échecs militaires de Crécy et Poitiers. La chevauchée de 1359 se solde par un échec retentissant et ses conséquences psychologiques sur Édouard III sont cruciales : il prend conscience que la différence démographique et les aspirations nationales naissantes ne lui permettent pas de contrôler un territoire aussi vaste : il ne pourra jamais être roi de France<ref>Comment le duc de Normandie et son conseil envoyèrent légats pour traiter de la paix entre le roi de France et le roi d’Angleterre; et comment la paix fut faite.Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie II, chapitre 131 pages 429-433 Bibliothèque Nationale de France</ref>. Cependant la capture de Jean le Bon lui donne du pouvoir de négociation.
Le traité de Brétigny-Calais conclut finalement le conflit :
- Rançon de trois millions de livres pour la libération de Jean II le Bon (équivalent à la totalité des recettes du roi pendant deux ans)
- Le roi d’Angleterre obtient la souveraineté sur la Guyenne et la Gascogne, Calais et le Ponthieu, le comté de Guines, le Poitou, le Périgord, le Limousin, l’Angoumois, la Saintonge, l’Agenais, le Quercy, le Rouergue, la Bigorre et le comté de Gaure<ref>Ci s’ensuit la chartre de l’ordonnance de la paix faite entre le roi d’Angleterre et ses alliés, et le roi de France et les siens.Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie II, chapitre 132 pages 433-437 Bibliothèque Nationale de France</ref>.
Le traité vise à désamorcer tous les griefs qui ont conduit au déclenchement du conflit. Édouard III renonce donc aux duchés de Normandie et de Touraine, aux comtés du Maine et d’Anjou et à la suzeraineté sur la Bretagne et les Flandres. Il renonce surtout à revendiquer la couronne de France.<ref>Ci après s’ensuit la forme et la manière de la lettre de renonciation que fit le roi d’Angleterre entre lui et le roi de France.Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie II, chapitre 139 pages 444-448 Bibliothèque Nationale de France</ref>
La reprise de la guerre de succession de Bretagne n’est pas très heureuse pour les Français : Charles de Blois et Bertrand Duguesclin sont défaits à Auray par le futur Jean IV de Bretagne et John Chandos<ref>Comment messire Bertran du Guesclin fut pris; et comment messire Charles de Blois fut occis en la bataille; et toute la fleur de la chevalerie de Bretagne et de Normandie prise ou occise. Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie II, chapitre 195 pages 496-497 Bibliothèque Nationale de France</ref>. Cette bataille débouche sur le traité de Guérande qui reconnaît Jean IV comme duc de Bretagne, les Anglais gardent le contrôle de Brest et de sa région<ref>Comment le roi de France envoya messages pour traiter de la paix entre le comte de Montfort et le pays de Bretagne; et comment il en demeura duc.Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie II, chapitre 200 pages 500-501 Bibliothèque Nationale de France</ref>.
Au total, les Anglais sont maîtres d’un bon tiers du royaume de France, et le duché de Bretagne est contrôlé par un de leurs alliés (Jean IV épouse une sœur puis une belle-fille du Prince Noir). Mais Charles V est un bon tacticien : la paix obtenue permet de redonner au futur roi (son père Jean le Bon meurt le 8 avril 1364) les capacités de reconquérir les territoires cédés.
La reconquête de Charles V le Sage : de 1364 à 1380
Dans cette France défaite, le pouvoir royal n’a plus ni prestige, ni moyens. Les finances sont au plus bas. Les mouvements populaires, les jacqueries et surtout celle de 1358, ont fait comprendre à Charles V qui a vu deux maréchaux tués sous ses yeux par les émeutiers parisiens que le maintien de la souveraineté passe par le soutien de la population. Il veille donc à conserver sa popularité. Depuis sa bibliothèque, il reconstruit et prépare lentement la reconquête. Les Anglais ont les mains liées par le traité de Brétigny qui serait annulé par une reprise des combats: sur une idée du dauphin, le traité prévoit que la souveraineté du roi d'Angleterre sur ses nouvelles possessions ne sera effective qu'après la remise de celles-ci par les Français. La renonciation d'Édouard III à la couronne française interviendrait au même moment. De cette façon, le Dauphin se donne la possibilité de retarder indéfiniment l'application du texte<ref name="Laranébret">André Larané, 8 mai 1360: Préliminaires de paix à Brétigny, herodote.net</ref>. Charles V fait donc traîner en longueur le versement de la rançon (dont moins du tiers est effectivement payé) et le transfert des territoires cédés<ref>Comment le roi de France fit lire et examiner les chartes des traités faits entre lui et le roi d’Angleterre.Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie II, chapitre 256 pages 555-556 Bibliothèque Nationale de France</ref>. Pour restaurer l'autorité royale, lui et son père se portent garants de la stabilité monétaire en créant le franc et met ainsi fin aux mutations monétaires tant décriées<ref name="Pécout"/>. En contrepartie, il fait accepter la création d'une fiscalité contrôlée par des officiers royaux pour financer l'effort de guerre et le paiement de la rançon de Jean le Bon<ref name="Pécout"/>. En 1364, ce dernier décède en captivité à Londres (il y est retourné volontairement pour répondre de l'évasion de son fils Louis d'Anjou qui était garant des accords de Brétigny). Charles le Mauvais, évincé en 1363 de la succession du Duché de Bourgogne en faveur de Philippe le Hardi, veut empêcher le sacre de Charles V à Reims<ref>Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, page 296</ref>. Bertrand du Guesclin, à la tête de l'armée levée grâce aux impôts votés par les états généraux de 1363, le bat à la bataille de Cocherel, ce qui met fin à la guerre civile, rétablit l'autorité royale au yeux de la population (il montre que les sacrifices financiers consentis par la population pour l'effort de guerre sont suivis d'effets sur le terrain)<ref name="Pécout">Thierry Pécout, Charles V donne naissance au franc,Historia thématique n°107: Mai-Juin 2007: Ces rois qui ont tout changé, page 35</ref> et permet le sacre de Charles V. Ce dernier lui donne ensuite pour mission, d’entraîner les Grandes compagnies (regroupement de mercenaires démobilisés qui ravagent les provinces françaises) défendre en Espagne les droits de Henri de Trastamare qui dispute à Pierre le Cruel le trône de Castille. En pacifiant le royaume et en diminuant les impôts les plus lourds, il redonne de la popularité à la couronne, restaure le pouvoir royal et récupère à son profit le sentiment national naissant<ref>Comment la guerre commença entre le roi Dam Piètre et son frère Henry le Bastard; et comment le roi de France envoya messire Bertran du Guesclin atout les Compagnies avec le dit Henry contre Dam Piètre. Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie II, chapitre 203 pages 503-505 Bibliothèque Nationale de France</ref>. Édouard III, lui, impose en 1361 l’anglais comme langue nationale (jusqu’à cette date la langue officielle à la cour anglaise était le français) ; cette mesure renforce en retour l’anglophobie dans les territoires conquis<ref>Plus exactement il s’agit de saxon imprégné de mots normands : Cristian-Ioan Panzaru,Le crépuscule du Moyen Âge, unibuc.ro</ref>.
Charles V, brillant stratège et diplomate de haut niveau, étend le conflit aux pays avoisinants. Une grande partie de l’Europe s’engage directement dans le conflit : Pierre le Cruel, en grande difficulté, doit appeler à son secours deux vaillants capitaines anglais, John Chandos et le prince Noir (son beau frère). Les troupes anglaises sont alors occupées en Castille jusqu’en 1369. Quant au Saint-Empire, à l’Est, Charles V a réussi à transformer une hostilité larvée en neutralité plus que bienveillante<ref>Charles V, 1338-1380 : Le roi sage, Bibliothèque nationale de France</ref> : il est très proche de son oncle maternel l’empereur germanique Charles IV<ref>Raymond Cazette,Étienne Marcel, Taillandier 2006, p. 146</ref> auquel il rend hommage pour le Dauphiné en 1357<ref>Raymond Cazette,Étienne Marcel, Taillandier 2006, p. 158</ref>. Cette amitié permet en 1363, à Jean le Bon revenu de captivité de confier en apanage à Philippe le Hardi (qui est lui aussi neveu de l'empereur) le duché de Bourgogne, vacant depuis la mort de Philippe de Rouvre en 1361, et d'évincer Charles le Mauvais<ref>Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, pages 295-296</ref>. Pour s'assurer du soutien des Flandres, Charles V parvient à empêcher le mariage de Marguerite de Flandre avec Aymon de Cambridge, le fils d'Édouard III, grâce au soutien du pape Urbain V. Il réussi à marier l'héritière des comtés de Flandre, Rethel et Nevers à son frère Philippe le Hardi<ref>Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, pages 299</ref>. Charles V entre également en pourparlers avec le roi d’Écosse David Bruce et le roi du Danemark, qui ont tous deux de bonnes raisons d’en découdre avec l’Angleterre. Le roi sage s’assure également de l’amitié de Owen de Galles, prétendant au trône du Pays de Galles.
En 1368, le roi de France se sent assez fort pour défier Édouard III. Il accepte de recevoir l’appel du comte d’Armagnac, en conflit financier avec le Prince Noir (sa plainte ayant été d'abord été déboutée par Édouard III<ref>Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 412</ref>) qui accable d’impôts ses sujets d’Aquitaine afin de financer ses campagnes espagnoles <ref>Natalie Fryde, l'Histoire HS n°16 juillet 2002 pp28-33</ref>; la Guyenne sert encore une fois de prétexte au conflit. Le traité de Brétigny donne la pleine souveraineté de la Guyenne aux Anglais. Mais la double renonciation prévue — Édouard renonçant à la couronne de France, Jean le Bon à la Guyenne — n’a pas eu lieu, et le transfert des terres traîne en longueur. Donc légalement, Edouard III n'était pas fondé à juger un différent fiscal sur des terres qui ne lui avaient pas encore été cédées et Charles V peut procéder à la confiscation de celles-ci. Le roi d’Angleterre se proclame de nouveau roi de France le 3 juin 1368, Charles V prononce la confiscation de l’Aquitaine le 30 novembre 1368<ref>Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 413</ref>. La guerre reprend, mais Charles V, en excellent juriste, a su mettre le droit de son côté.
Froissart, dans ses chroniques, rapporte ces mots révélateurs :
- « Lors les barons anglais dirent à Édouard que le roi de France était un sage et excellent prince, et de bon conseil. Le duc de Lancastre, fils du roi Édouard, s'empourpra et lança avec mépris :
- — Comment ? Ce n'est qu'un avocat !
- Lorsque le roi Charles le Cinquième apprit ces paroles, il rit, et déclara d'une voix joyeuse :
- — Soit ! Si je suis un avocat, je leur bâtirai un procès dont ils regretteront la sentence ! »
Charles le Sage tourne le conflit à son avantage. Renonçant aux batailles rangées menés par des bannières de tailles inégales menées par une noblesse indisciplinée qui n’ont rien apporté à son père, il réorganise l'armée, sous le commandement de chefs expérimentés et fidèles (comme Bertrand du Guesclin et son cousin Olivier de Mauny). Celle-ci se divise en groupes bien structurés de 100 hommes aguerris appelés routes et commandées par des capitaines qui ne répondent qu'au ordres du roi<ref name="Xavier Hélary"/>. Il les lance dans une guerre d’escarmouches et de sièges, grignotant patiemment le territoire de l’ennemi<ref name="Xavier Hélary"/>. Sa diplomatie ne reste pas inactive et il récolte les fruits de son soutien à Henri de Trastamare : l’alliance avec les Castillans conduit à l’anéantissement de la flotte anglaise à la bataille de la Rochelle le 22 juin 1372<ref>Comment le comte de Pennebroch se partit d’Angleterre pour venir en Poitou ; et comment les Espaignols au hâvre de la Rochelle durement le combattirent. Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie II, chapitre 342 pages 636-637 Bibliothèque Nationale de France</ref>. Privées de soutien logistique, les places fortes cédées par le traité de Brétigny tombent les unes après les autres : Poitiers en 1372 et Bergerac en 1377. les Anglais s’en tiennent aux chevauchées, très populaires auprès de leur Parlement parce qu’elles ne coûtent rien, mais désastreuses pour l’image de l’Angleterre dans les territoires pillés : elles ne font qu’attiser la haine des Anglais et renforcent chaque jour la fidélité envers le roi Charles V. Le clivage des deux nations naissantes se creuse toujours plus<ref>Comment les Compagnies gâtoient et exiloient le royaume de France, et comment moult de gens en murmuroient contre le roi d’Angleterre et le prince de Galles son fils. Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie II, chapitre 202 pages 502-503 Bibliothèque Nationale de France</ref>. Le roi de France prend soin d'entretenir le patriotisme des régions libérées par l'octroi de nombreux privilèges. Il use en particulier de l'anoblissement<ref>Jacques Bainville, Histoire de France, Paris : Arthème Fayard, Éditeur, 1924, Collection : le livre de poche, p.57</ref> , la noblesse française ayant été décimée par la peste, Crécy et Poitiers<ref name="Jacques Dupaquier367"/>. De même la reconquète se fait grandement par le retournement des villes d'Aquitaine souvent monnayé contre des promesses de fiscalité plus légère<ref>Jean Favier, La guerre de cent ans, Fayard 1980, p. 327-328</ref>.
Mot d’ordre des opérations pour le roi de France : « Mieux vaut pays pillé que terre perdue ». Charles laisse donc le royaume à la merci des pillages anglais, qui provoquent dans la population d’immenses souffrances. À chaque chevauchée, le roi ordonne aux campagnards de se réfugier dans les villes avec toutes leurs réserves, pratiquant la tactique de la terre déserte. Plus les Anglais avancent dans les terres, plus leur ravitaillement est difficile ; harcelés par des Français qui leur tendent de nombreuses embuscades, leurs effectifs sont vite réduits à néant et de nombreux chefs britanniques glorieux sont obligés de se replier afin d’éviter le désastre (Jean de Lancastre, le Prince Noir, Robert Knolles et Édouard III lui-même sont victimes de cette stratégie de Charles V)<ref>Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 413</ref>.
Entre 1369 et 1375, les Français reprennent aux Anglais la quasi-totalité des concessions faites et des terres possédées par l’ennemi avant même le début de la guerre, à l'exception de Calais, Cherbourg, Brest, Bordeaux, Bayonne, et de quelques forteresses dans le Massif central<ref>Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 414 et Chroniques de Jean Froissart, Livre I, partie II, pages 642-666 Bibliothèque Nationale de France</ref>. Les négociations menées après la signature de la trêve de Bruges, entre 1375 et 1377, n’aboutissent à rien. Les Anglais continuent à lancer des chevauchées épisodiques, auxquelles répondent des raids sur les côtes britanniques qui font craindre une invasion française (Charles V demande à Jean de Vienne de la préparer)<ref>Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 415</ref>. Les Anglais ne pouvant plus soutenir Jean IV de Bretagne, Charles V confisque le duché en 1378. Bien que fortement soutenu par ses barons et le nationalisme breton, qui lui permettent de se maintenir, Jean IV doit se rapprocher progressivement des Français (il rachète Brest aux Anglais en 1397 et devient vassal du roi de France en 1391 en vertu du deuxième traité de Guérande).
En 1378, la visite de courtoisie de l’empereur germanique Charles IV à Paris consacre la victoire de Charles le Sage.
La première phase de la Guerre de Cent Ans se termine par la victoire de l’habile Charles V de France, aidé par des militaires expérimentés comme Bertrand du Guesclin, sur un Édouard III vieillissant et trop sûr de lui.
Régents et guerre civile : 1380-1429
Mort de Charles V le Sage et débuts de Charles VI : 1380-1392
Charles le Sage, qui a toujours eu une mauvaise santé, veut préparer sa fin. Aussi, en 1374 il fixe la majorité des rois de France à 14 ans, et ordonne l’amélioration de tous les châteaux et forteresses de France, rendus vulnérables par l’apparition de l’artillerie<ref> Il fait, par exemple, ceinturer Paris par un fossé et un talus en remblais surmonté d’une palissade. Le talus permet éd les boulets et la palissade sert à empêcher l’ennemis d’utiliser le talus comme abris</ref> aussi bien aux frontières que dans les régions exposées aux débarquements anglais (Normandie, notamment), ce qui matérialise un peu plus le territoire national. À la fin de son règne la paix est revenue, mais la pression fiscale au départ provisoire et justifié par l'état de guerre est restée lourde et villes et campagnes recommencent à gronder.
En septembre 1380, âgé de 42 ans Charles V de France meurt. Son fils de douze ans seulement devient le roi Charles VI de France mais, mineur, il est placé sous la tutelle de ses oncles. Ceux-ci forment un conseil de régence en remplacement du conseil du roi. Les anciens conseillers de Charles V sont progressivement évincés, les oncles du jeune roi (et frères de feu Charles V : Louis d’Anjou, Jean de Berry, Philippe de Bourgogne) accaparant tout le pouvoir. Le règne de Charles V a été marqué par l'affermissement du pouvoir royal vis à vis de la noblesse. En effet celle a déjà été saignée par les effets des batailles de Crécy et Poitiers ou de la grande peste et de ses réminiscences régulières, mais elle fait aussi face à une baisse importante de ses revenus fonciers, les campagnes ayant été dépeuplées par la peste et dévastées durablement les pillages découlant de la stratégie de terre déserte et de l'action des compagnies : Les paysans ont fuit et leurs terres sont souvent retournées en friche<ref>Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 409-410</ref> (en particulier les pieds de vignes détruits entrainent des difficultés durables de production de vin pourtant indispensable à l'époque ou l'eau est rarement salubre). Évidement avec le retours de l'ordre, les choses se sont arrangées, les terres ont étés recolonisées, mais beaucoup de seigneurs cèdent leur terres en fermage ou en métayage ce qui est moins rentable, mais permet des revenus plus réguliers et permet d'être présent à la cour pour bénéficier des largesses de son suzerain. En effet, le trésor royal est enrichi par une fiscalité devenue permanente ce qui permet d'entretenir et de fidéliser ses vassaux. C'est pourquoi les oncles ont besoin de puiser dans les finances royales pour s'assurer le soutient d'une large clientèle<ref name="coulet416">Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 416</ref> et constituer de véritables principautés. Ce gouvernement est relativement néfaste pour le Trésor dans lequel les grands du royaume prennent l’habitude de puiser. Quand Louis d’Anjou décide de partir conquérir le lointain royaume de Naples qu’il revendique depuis 1382,il finance son expédition aux dépends du trésor royal<ref>Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 415</ref>, mais cela l’éloigne des affaires de France et laisse Philippe le Hardi prendre une influence prépondérante au sein du conseil <ref>(en) François Pierre Guillaume Guizot A Popular History of France From The Earliest Times Volume III:The Project Gutenberg EBook</ref> . Cette période est calme d’un point de vue militaire car le royaume d’Angleterre est en proie à une guerre civile. Une révolte des paysans est déclenchée par la crise économique qui sévit alors en Angleterre suite à l’interruption des commerces du sel, des vins et de la laine, les hausses d’impôts nécessaire à l’entretien de l’armée et le discrédit qui frappe la noblesse du fait de ses défaites à répétition en France. L’insurrection est coordonnée par des prédicateurs lollards dont les idées égalitaires séduisent. Elle prend le contrôle de Londres avant d’être matée par Richard II<ref>(en) Conflagration: The Peasants’ Revolt, Melissa Snell historymedren.about.com</ref>.
À partir de 1392, Charles VI, qui est particulièrement aimé par le peuple, perd la tête par intermittence, selon un cycle de crises suivies de « rémissions » plus ou moins longues, durant lesquelles il retrouve tous ses moyens intellectuels. Cependant, avec l’âge, les crises deviennent de plus en plus violentes et longues, et les rémissions de plus en plus brèves <ref>5 août 1392:Charles VI le Bien Aimé devient le Fou, André Larané herodote.net</ref>.
Le royaume n’étant plus dirigé, les oncles du roi reprennent le pouvoir au sein d’un conseil de régence présidé par la reine (Isabeau de Bavière) et les Marmousets sont renvoyés<ref>Chroniques de Jean Froissart, Comment le duc de Berry et le duc de Bourgogne, oncles du roi, eurent le gouvernement du royaume; et comment ils firent chasser et prendre ceux qui avoient eu le gouvernement du roi., livre 4, chapitre 30 [13]</ref>. La reine étant piètre politique[réf. nécessaire], le Duc de Bourgogne Philippe le Hardi exerce le pouvoir de fait. Mais, il lui faut de plus en plus compter avec Louis d’Orléans, le frère cadet du roi, qui s’emploie à contrer l’influence du Duché de Bourgogne à la Cour de France[réf. nécessaire].
Armagnacs et Bourguignons : de 1392 à 1429
La reprise du conflit trouve ses origines dans différents facteurs. En premier lieu, France comme Angleterre connaissent des luttes pour le pouvoir. En Angleterre, c’est avant tout les revers contre la France qui entraînent un changement dynastique[réf. nécessaire] : après un long conflit, Henri IV de Lancastre s’impose comme roi. En France, la folie de Charles VI entraîne la mise en place d’un conseil de régence présidé par la reine. Le pouvoir réel est partagé par les grands du royaume (Louis d’Orléans, chef de file des Armagnacs<ref>Avant l’assassinat de Louis d’Orléans en 1405 le parti d’Armagnac se nomme le parti d’Orléans, mais pour faciliter la lecture nous avons volontairement ignoré cette nuance</ref> et Jean sans Peur duc de Bourgogne, le duc de Berry étant plutôt un médiateur entre les deux premiers).
Louis d’Orléans prend une influence grandissante sur la reine et est accusé par les Bourguignons, qui se sentent lésés, d’être son amant<ref name="Dignat">Alban Dignat, 23 novembre 1407: Assassinat dans la rue Vieille du Temple, herodote.net</ref> (et le père réel du Dauphin). Cette lutte de pouvoir entre Armagnacs et Bourguignons rapproche progressivement ces derniers des Anglais, d’autant qu’en 1407 Jean sans Peur fait assassiner le Duc d’Orléans (voir Assassinat de Louis d’Orléans). Le pays sombre dans la guerre civile<ref name="Dignat"/>. D’un point de vue religieux le grand schisme oppose le pape de Rome (soutenu par les Anglais et les Bourguignons) à celui d’Avignon (soutenu par les Armagnacs)<ref>Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, p. 327</ref>.
En fait ce sont deux systèmes économiques, sociaux et religieux qui se font face. La France, pays avec une agriculture florissante et un système féodal et religieux puissant d’une part ; l’Angleterre d’autre part, pays d’élevage qui vend sa laine aux drapiers des Flandres. C’est un pays où l’artisanat et la bourgeoisie des villes prennent de l’importance. Les Armagnacs défendent le modèle français, Jean sans Peur pour prendre le contrôle de Paris, milite pour modèle anglais (d’autant que les Flandres appartiennent au duché de Bourgogne) promettant baisses d'impôts et contrôle de la monarchie par les états généraux et est soutenu par les artisans et les universitaires parisiens<ref name="Coulet419">Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 418-419</ref>. Il se rends ainsi maitre de Paris et donc du roi en 1413<ref>Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, p. 329</ref>. Ses alliés les cabochiens (du nom de leur leader le boucher Simon Caboche) font régner la terreur. Le 27 Mai 1418, l' ordonnance Cabochienne est rédigée et promulguée dans l'esprit de la grande ordonnance de 1357. Mais leurs exactions ont fini par lasser les Parisiens qui appellent les Armagnacs à la rescousse<ref name="Coulet419"/>. Jean sans Peur doit fuir et se rapproche des Anglais<ref name="Coulet419"/>.
Henri V, fils d’Henri IV, comprend la nécessité d’unir sa noblesse contre un ennemi commun et d’attaquer la France. Il revendique l'héritage de Guillaume le Conquérant et des Plantagenêts: la Normandie et l'Aquitaine, soit la moitié de la France<ref name="Coulet419"/>. On lui propose l'Aquitaine et la main de Catherine, fille du roi richement dotée, mais on lui refuse la Normandie<ref name="Coulet419"/>. En 1415, il se proclame roi de France (malgré ses droits plus que contestables car c’est un Lancastre) et débarque à Chef de Caux, près de la future ville du Havre avec Modèle:Formatnum:13000 hommes<ref>Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, p. 330</ref>. Il ne vient pas mener une énième chevauchée en Normandie mais compte s’emparer de la région. Il commence par prendre la ville d’Harfleur puis en expulse les habitants et les remplace par des colons anglais[réf. nécessaire]. La dysenterie qui frappe son armée oblige le roi d’Angleterre à reporter ses rêves de conquête. Il décide de regagner l’Angleterre via Calais.Face à ce danger, Armagnacs et Bourguignons, les deux partis qui se disputent le pouvoir en France, font une trêve pour faire face. L’armée française rattrape Henri V en Picardie. Au moment crucial les Armagnacs rechignent à laisser le commandement au Duc de Bourgogne qui retire ses troupes: les Français ne sont que Modèle:Formatnum:20000<ref>Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, p. 331</ref>. La chevalerie française paie une nouvelle fois ses insuffisances tactiques et la faiblesse de son commandement : les Anglais taillent en pièce la fleur de la noblesse de France à Azincourt, le 25 octobre 1415<ref>Bernard Coteret, Histoire de l'Angleterre, Tallandier 2007 page 136</ref>. Ils peuvent réembarquer sans inquiétude. Cette humiliation des Français aggrave les dissensions au sein du royaume et révèle à Henri V d’Angleterre qu’il peut revenir.
Celui-ci lève des fonds pour conduire une guerre de sièges face aux châteaux fortifiés sous Charles V le Sage. Deux ans après sa victoire à la bataille d’Azincourt, le roi d’Angleterre revient en Normandie avec une armée de Modèle:Formatnum:10000 à Modèle:Formatnum:12000 hommes et une artillerie à feu considérable pour l’époque<ref>Bernard Coteret, Histoire de l'Angleterre, p. 137</ref> : il compte bien entreprendre la conquête du duché de Normandie.
Armagnacs et Bourguignons s’opposent alors dans une véritable guerre civile et ne luttent guère contre les Anglais : Paris, et donc le roi, sont contrôlés par le comte d'Armagnac entre 1413 et 1418, Isabeau de Bavière doit fuir et est recueillie par Jean sans Peur. Les Armagnacs multipliant les exactions dans la capitale , les Parisiens ouvrent les portes aux Bourguignons qui ont su mener une politique accommodante de baisse des taxes dans les villes qu'ils contrôlent<ref>Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 420-421 et Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, p. 332</ref> fin mai 1418. C'est un nouveau bain de sang: en juin 1418, les Armagnacs sont massacrés et le futur Charles VII que son père a nommé lieutenant du royaume se proclame régent en décembre 1418<ref>Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 420-421</ref>, et, prenant la tête du parti Armagnac, établit son gouvernement à Bourges. Henri V a les mains libres : en moins de deux ans, toutes les forteresses normandes, villes ou châteaux, tombent. Rouen, assiégée, est réduite à la famine. La ville accepte finalement d’ouvrir ses portes au roi d’Angleterre le 19 janvier 1419<ref>Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, p 333</ref>. À cette date, seul le Mont-Saint-Michel tient bon.
Les Anglais peuvent prendre Paris en 1419. Une médiation est tentée entre Armagnacs et Bourguignons, et le duc de Bourgogne et le Dauphin se rencontrent sur le pont de Montereau le 10 septembre 1419. Mais, lors de l’entrevue, Jean sans Peur est assassiné par des proches du dauphin (pour qui un accord avec les Bourguignons est inacceptable). Le dauphin est accusé d’être le commanditaire et les conséquences sont catastrophiques pour les Armagnacs<ref>André Larané, 10 septembre 1419: L’assassinat de Jean sans Peur, herodote.net</ref>. Philippe le Bon, fils de Jean sans Peur, s’allie alors ouvertement aux Anglais, et fait signer le traité de Troyes de 1420 à Charles VI, définitivement fou. Le Dauphin est déshérité, Henri V épouse la fille de Charles VI et devient l’héritier du royaume de France. Henri V est régent de France en 1421<ref>(en) F. A. Ogg, A Source Book of Medieval History (New York, 1907), p. 443 Medieval Sourcebook</ref>. Les Armagnacs dénoncent ce traité, arguant du fait que la couronne possède le roi, et non le contraire. La France est partagée en trois influences : le sud (régions au sud de la Loire, moins la Guyenne) fidèle au Dauphin, le nord-ouest tenu par les Anglais, le reste aux Bourguignons.
En 1422, Henri V et Charles VI meurent. Charles VI reste alors très populaire<ref>Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, p. 335</ref>. Henri VI, fils d’Henri V, se retrouve roi de France et d’Angleterre, mais mineur, d’où une interruption momentanée du conflit. Le Dauphin s’allie avec les Écossais qui lui fournissent des archers ce qui permet un rééquilibrage tactique, d'autant que le Duc de Bourgogne, occupé à accroitre ses possessions vers le Hainaut et la Hollande, s'abstient d'intervenir<ref>Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, p. 336</ref>. Les chevauchées et batailles aux fortunes diverses marquent cette période (Bataille de Bauge, Bataille de Cravant, Bataille de la Brossinière et Bataille de Verneuil), mais elles ne font pas évoluer la situation générale. En 1429, les Anglais reprennent les armes, et mettent le siège devant Orléans. C’est dans ces circonstances qu’intervient Jeanne d’Arc. Le Dauphin Charles est extrêmement affaibli, seul un signe divin pourrait effacer les rumeurs de bâtardise et le légitimer.
Les Anglais boutés hors de France : de 1429 à 1475
Jeanne d’Arc
Il se dit dans le Royaume qu’une pucelle envoyée par Dieu a reconnu miraculeusement le vrai roi à Chinon. Calculateur, le dauphin (futur Charles VII) accepte d’envoyer Jeanne d’Arc à Orléans, qu’elle propose de délivrer comme preuve de sa bonne foi, avec un convoi de ravitaillement. En cas de victoire, il verrait légitimée sa revendication au trône de France (qui peut tout aussi bien être revendiqué par Henri VI en vertu du traité de Troyes), en cas de défaite, personne ne se souviendrait de cette paysanne et sa cause serait de toute manière perdue.
Le siège d’Orléans est une bataille phare, capitale, suivie par toute l’Europe<ref>stejeannedarc.net</ref>. Le 19 avril, Jeanne entre dans la ville. Le 4 mai, une des bastilles anglaises (construites pour le siège) est prise. Les jours suivants, une seconde, puis une troisième. Le 8 mai, les Anglais se rangent en ordre de bataille. Jeanne refuse le combat, car il est interdit de se battre un dimanche. Les Anglais lèvent alors le siège <ref>Jeanne d’Arc, Henri Wallon, 5e édition 1876, Livre II Orléans, 3e partie: la délivrance d’Orléans stejeannedarc.net</ref>. Cet évènement fait l’effet d’une véritable bombe en Europe : le contraste est saisissant entre la lenteur du siège et la vitesse à laquelle il est levé dès l’intervention de Jeanne. Les contemporains croient y voir un miracle. Bonne de Visconti, duchesse de Milan, lui écrit pour lui demander de l’aide. La ville de Toulouse fait de même. Du côté français comme du côté anglais, la propagande fait rage, invoquant dans les deux cas le surnaturel, bon ou mauvais.
Jeanne désire ensuite marcher sur Reims, projet difficilement réalisable, la ville étant en plein pays bourguignon. Charles VII aurait pu être sacré à Orléans (comme le fut Louis VI par exemple), cependant l’impact psychologique d’un sacre à Reims serait bien plus important car il serait interprété comme un nouveau miracle, preuve de la légitimation divine du dauphin. La bataille de Patay, victoire française, ouvre les portes de Reims, où Charles VII est sacré roi de France<ref>Jeanne d’Arc, Henri Wallon, 5e édition 1876, Livre III Reims, 3e partie: Le sacre stejeannedarc.net</ref>. Cela coupe l’herbe sous les pieds à Henri VI qui ne put être sacré qu’à Notre-Dame de Paris en 1431. À partir de ce moment, l’influence de Jeanne dans le conflit est faible : elle n’est plus soutenue par Charles VII<ref name="Girot"/> qui, une fois sacré, souhaite ménager les ecclésiastiques (qui ont été profondément divisés par le grand schisme d’Occident) pour assoir sa couronne. Elle échoue devant Paris en 1429. Elle est envoyée dans le Berry pour neutraliser les Grandes compagnies qui écument le pays durant les trêves. Elle est alors capturée en 1430, à Compiègne, par Jean de Luxembourg. Charles VII l’abandonne<ref name="Girot"/>. Son procès est confié à l’évêque de Beauvais, Pierre Cauchon, proche des Bourguignons, mais elle est brûlée par les Anglais à Rouen le 30 Mai 1431. Cette manœuvre permet de ne mettre en cause directement ni les Bourguignons, ni le Pape (l’Inquisition l’avait un temps réclamée), dans ce qui est perçu à l’époque par beaucoup comme le martyre d’une sainte (Jeanne d’Arc ne fut cependant canonisée qu’en 1922 dans un tout autre contexte politique). Le régent Anglais fait couronner en hâte Henri VI à Paris le 16 décembre 1431, mais c'est trop tard: les Anglais sont perçus comme des occupants et les soulèvements se multiplient<ref>Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 427</ref>.
La fin du conflit
À partir de 1431, la situation politique et militaire des Anglais se dégrade. De fait, depuis le traité de Troyes, ils sont loin de contrôler physiquement tout le territoire qui leur a été assigné: ils n'occupent qu'en partie la Picardie et la Champagne et ne contrôlent qu'imparfaitement l'Île-de-France où les partisans de Charles VII y contrôlent encore plusieurs places fortes et se cachent dans les forêts du Hurepoix Les capitaines français<ref name="coulettroy">Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 422</ref>. Entre Saône et Loire les allégeances s'emmêlent<ref name="coulettroy"/>. Dunois, La Hire, Barbazan ou le routier Rodrigue de Villandrando multiplient les coups de main en Champagne et en Île-de-France<ref name="Theisarras"/>. La haine des Anglais entraine de nombreux soulèvements et en Normandie la situation est de plus en plus intenable. En 1432, un coup de main sur le château de Rouen est à deux doigts de réussir<ref name="Insurrection">Noël Coulet, Le temps des malheurs (1348-1440) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 427-428</ref>. En 1434, la Normandie est en insurrection quasi générale suite à l'augmentation des exigences fiscales anglaises<ref name="Insurrection"/> et malgrè la répression sanglante ordonnée par le Duc de Bedford<ref name="Theisarras">Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, p 343-344</ref>.Jean sans Peur avait multiplié les promesses démagogiques d'éxonérations fiscales et les Anglais ne peuvent les tenir<ref name="coulettroy"/>. De même, la création d'une université en 1432 à Caen est vécue par les maitres de l'Université de Paris comme une défiance voir un détournement de clientèle: les parisiens s'éloignent des Anglais<ref name="Theisarras"/>. En mai 1435, La Hire et Saintrailles taillent en pièce l'armée anglaise du Comte d'Arundel à la bataille de Gerberoy. Le duc de Bourgogne sent le vent tourner et sous la pression des villes flamandes et des parisiens qui souhaitent la paix pour des raisons économiques se rapproche des Français<ref name="Theisarras"/>. En 1435, Charles VII fait amende honorable pour l'assassinat de Jean sans Peur ce qui permet la conclusion de la paix d’Arras avec les Bourguignons<ref name="Insurrection"/>. Ce traité permet en outre à Philippe le Bon d'accroitre ses possessions : il reçoit les comtés d'Auxerre et de Mâcon, des seigneuries de Péronne, Royes et Montdidier et prend en gage des villes de Picardie comme Amiens, Saint-Quentin et Abbeville<ref name="Theisarras"/>. Ce traité fait définitivement basculer le rapport de force en faveur des Français<ref>Laurent Albaret,XVe siècle. Le traité d’Arras, Clionautes</ref>. Immédiatement des soulèvements anti-anglais se déclenchent en particulier en pays de Caux et dans le val de Vire<ref name="Theisparis">Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, p 344-345</ref>. Dans la foulée Dieppe, Montivilliers et Harfleur sont reprises<ref name="Theisparis"/>. En 1436, Paris ouvre ses portes aux Français<ref name="Insurrection"/> qui proclament le pardon général<ref name="Theisparis"/>. Charles VII ne se presse pas: il réorganise le royaume et prépare la reconquête.
La dernière phase de la guerre est très lente. Elle est cependant caractérisée par un élément majeur : la supériorité militaire anglaise, basée sur des archers performants et une infanterie disciplinée, disparaît progressivement au profit des Français qui font émerger une nouvelle technologie sur les champs de bataille : l’artillerie de campagne, organisée par Jean Bureau, qui fait débander l’adversaire, laissant prise à des charges de cavalerie lourde <ref name="Contamine"/>,<ref name="Xavier Hélary lance"/>. Henri VI, le roi d’Angleterre, dont la mère est française se révèle francophile et peu enclin à la guerre, depuis la mort de Bedford son conseil est en proie aux discordes<ref name="Insurrection"/>. En 1444, la trêve de Tours est conclue entre les deux camps. Charles VII la met à profit et réorganise son armée de manière à pouvoir vaincre les anglais. Il obtient progressivement des états de la langue d'Oïl (1438 et 1443) puis d'Oc (1439) la possibilité de reconduire les aides sans réunir les états annuellement: c'est l'instauration de la permanence de l'impôt<ref name="mollat lance">Michel Mollat, La reconstruction (1440-1515) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 434</ref>. Il a alors les moyens d'entretenir une armée permanente et d'éviter que les mercenaires démobilisés ne se livrent au pillage. Il envoie le dauphin Louis à la tête de plus de 20000 écorcheurs combattre les cantons suisses révoltés contre le duc d'Autriche. Celà lui permet de tester ses hommes et se débarrasser des éléments douteux ou mal équipés. Beaucoup de routiers périssent face aux Suisses et aux Alsaciens<ref name="Theisrout"/>. Il renvoie ensuite un grand nombre d'éléments indésirables dans leur pays d'origine (en particulier en Espagne) ou les recycle dans l'administration, les disperse par petits groupe leur ayant accordé des lettres de rémissions<ref name="Theisrout">Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, p 355</ref>. Au total, il ne retient à son service que la moitié environ des combattants<ref name="Xavier Hélary lance">Xavier Hélary, Charles VII remet la France en ordre de bataille ,Historia thématique n°107: Mai-Juin 2007: Ces rois qui ont tout changé, page 26-27</ref>. Par l'ordonnance de Louppy-le-Châtel de 1445, il les organise en lances: unité de base où les compétences de chacun se complètent. Chacune est constituée d'un homme d'arme accompagné de deux archers à cheval, d'un coutilier (armé d'une épée et d'une longue dague) , d'un page et d'un valet (ces derniers ne combattant pas en règle générale). 100 lances forment une compagnie. Les 15 compagnies totalisent 9 000 hommes, dont 6 000 combattants qui forment la grande ordonnance<ref name="Xavier Hélary lance"/>. Bientôt trois nouvelles compagnies sont créées. Cette armée est entretenue de façon permanente: elle est mise en garnison dans des villes du royaume<ref name="Xavier Hélary lance"/>. Celles-ci ont la charge de l'entretenir : le coût ne repose pas sur les finances royales. En 1448, il crée la petite ordonnance : en cas de mobilisation, chaque paroisse (cinquante feux<ref name="mollat normandie" />)est tenue de mettre à la disposition du roi un archer bien équipé et bien exercé. Pour compenser les charges qui pèsent sur lui, il est dispensé d'impôt (la taille<ref name="mollat normandie" />): on l'appelle franc-archer. Choisi par les agents du roi, il est tenu au service de ce dernier. Le royaume en compte environ 8 000 et possède enfin une archerie comparable à l'armée anglaise<ref name="Xavier Hélary lance"/>. Ceci n'empêche pas le roi de recruter le cas échéant des mercenaires<ref name="mollat lance"/> (une garde écossaise permanente est d'ailleurs constituée<ref name="Theisrout"/>). Enfin, l'artillerie est organisée en parcs de 24 pièces. Cette artillerie fut utilisée dans un premier temps lors des sièges puis sur les champs de bataille. Au total, le roi peut tabler sur une armée de 15000 hommes à cheval, mobiles et entrainés<ref name="mollat lance"/>.
Inversement, les archers anglais, dont la formation est très lente, voient leur nombre diminuer progressivement avec les batailles. Capturés, ils sont mis hors d’état de combattre définitivement par amputation du majeur avant d'être rançonnés<ref>Henri de Wailly, Crécy, 1346, autopsie d'une bataille, Lavauzelle, 1985, p 17</ref> (ils préfèrent alors souvent mourir plutôt que de se rendre et être mutilés <ref name="doigt d'honneur">. Ce serait l’origine du doigt d’honneur. Les français en signe de provocation tendent le majeur, car son amputation rend impossible le tir à l’arc. Les Anglais eux montrent l’index et le majeur (ce signe est devenu symbole de victoire) ou placent leur main dans la position de décochage (majeur et annulaire plié sous le pouce et index et annulaire tendus) pour prouver qu’il sont toujours aptes à tirer. Ces signes de défi, tournant à l’insulte, ont persisté dans les deux pays jusqu’à nos jours : Pauline Edwards, Le tir à l’arc au fil du temps SEED[14] cette hypothèse est cependant contestée [15]</ref>). Moins nombreux, les archers sont aussi moins efficaces : les chevaux de la cavalerie française sont maintenant protégés<ref>Les bardes, qui sont relativement coûteuses, ne se généralisent qu'au cours du XVe siècle: Fabrice Murgala, Histoire de l'armure medieval.mrugala.net.</ref> afin d’être moins vulnérables aux tirs paraboliques des archers et d’autre part la cavalerie essaye de déborder l’adversaire plutôt que de le charger frontalement comme à Patay où les archers anglais sont massacrés.
L'occasion de rompre la trêve survient le 24 mars 1449: François de Surienne prends Fougère au duc de Bretagne rallié à Charles VII pour le compte du Duc de Somerset, le lieutenant d'Henri VI pour la Normandie<ref name="mollat normandie">Michel Mollat, La reconstruction (1440-1515) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 435</ref>. Charles VII attaque aussitôt la Normandie sur trois fronts. les Anglais y sont considérés comme des occupants<ref name="Xavier Hélary lance"/> et une année, de 1449 à 1450, suffit pour reprendre le duché. La campagne commence par une guerre de siège qui tourne à l'avantage des Français grâce à l'artillerie: en quelques semaines Lisieux, Argentan, Saint-Lô et Coutance sont reprises<ref name="mollat normandie"/>. Les habitants de Rouen ouvrent les portes de la ville et Charles VII y entre le 10 novembre<ref name="mollat normandie"/>. Somerset débordé, n'y même pas pu tenir le château<ref name="mollat normandie"/>. La prise de Honfleur libère l'Estuaire de la Seine. Une armée de secours débarque en Normandie mais elle est écrasée le 15 avril 1450 à Formigny où l'artillerie française désorganise les rangs anglais: les archers doivent charger pour neutraliser deux couleuvrines et sont alors balayés par la cavalerie<ref name="Formigny">(en) Battle of Formigny (15 April 1450) Xénophon group</ref>. Cherbourg tombe 4 mois plus tard: il n'y a plus d'Anglais en Normandie.
En Guyenne, les populations sont moins profrançaises<ref name="mollat guyenne">Michel Mollat, La reconstruction (1440-1515) tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Larousse, 2007, p 435-436</ref> (cette région exporte massivement du vin vers l'Angleterre), et malgré une campagne victorieuse en 1451 ou Bordeaux et Bayonne sont prises, les français en reperdent le contrôle car les habitants ont du mal a accepter la lourde fiscalité Française. L'objectif n'est alors plus de prendre les villes mais bien de battre les Anglais en bataille rangée. Elle est livrée le 17 juillet 1453 à Castillon. Les Anglais qui chargent les Français retranchés sont taillés en pièces par 300 pièces d'artillerie tirant à la fois (il s'agit pour la plupart de canons à main), chargées à mitraille et disposées de manière à prendre les assaillant en enfilade<ref name="Castillon">La Bataille de Castillon (17 juillet 1453) Xénophon group</ref>. Le carnage est effrayant. Les assaillants sont pressés les uns contre les autres ne pouvant ni s'échapper ni se dissimuler. La cavalerie bretonne charge les survivants et c'est le massacre: 4000 Anglais perdent la vie<ref name="Castillon"/>. Cette écrasante victoire remportée par Jean Bureau sur John Talbot est décisive: les Anglais ne gardent que Calais sur le continent (Philippe le Bon ayant souhaité que les importations de laine anglaise indispensables à l'économie des Flandres ne soient pas pertubées<ref name="mollat guyenne"/>), aucune paix n’est conclue, mais ils subissent une difficile guerre civile et il n'y a plus de combats sur le continent entre les deux pays après cette date, qui marque pour beaucoup d'historiens la fin du conflit.