Ordre du Temple
Un article de Vev.
Modèle:Confusion Modèle:Infobox Ordre religieux
L'Ordre du Temple était un ordre religieux et militaire international issu de la chevalerie chrétienne du Moyen Âge, ses membres étaient appelés les Templiers.
Cet ordre fut créé le 13 janvier 1129<ref name="DemurgerDATE">Date à laquelle le concile de Troyes a eu lieu et pendant lequel la création de l'ordre du Temple a été entérinée</ref> à partir d'une milice appelée les Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon. Il œuvra pendant les Modèle:S2 à l'accompagnement et à la protection des pèlerins pour Jérusalem dans le contexte de la guerre sainte et des croisades. Il participa activement aux batailles qui eurent lieu lors des croisades et de la Reconquête. Afin de mener à bien ses missions et notamment d'en assurer le financement, il constitua à travers toute l'Europe chrétienne et à partir de dons fonciers, un réseau de monastères appelés commanderies. Cette activité soutenue fit de l'ordre un interlocuteur financier privilégié des puissances de l'époque, le menant même à effectuer des transactions sans but lucratif avec certains rois ou à avoir la garde de trésors royaux.
Après la perte définitive de la Terre sainte en 1291, l'ordre fut victime de la lutte entre la papauté et Philippe le Bel et fut dissous par le pape Clément V le 22 mars 1312<ref name="DemurgerDATE2">Date à laquelle le pape Clément V fulmina la bulle Vox in excelso, officialisant la dissolution de l'ordre du Temple</ref> à la suite d'un procès en hérésie. La fin tragique de l'ordre mena à nombre de spéculations et de légendes sur son compte.
Sommaire |
Naissance de l'ordre du Temple
Le contexte politico-militaire
Le pape Urbain II prêcha la première croisade le 27 novembre 1095, dixième jour du concile de Clermont. La motivation du pape à voir une telle expédition militaire prendre forme venait du fait que les pèlerins chrétiens en route vers Jérusalem étaient régulièrement victimes d'exactions voire d'assassinats<ref name="Grousset1p74">René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem Tome 1 : 1095-1130 L'anarchie musulmane, réédition 2006, édition Perrin, page 74</ref>.
Le pape demanda donc au peuple chrétien d'Occident de prendre les armes afin de venir en aide aux chrétiens d'Orient. Cette croisade eut alors comme cri de ralliement « Dieu le veut ! » et tous ceux qui prirent part à la croisade furent marqués par le signe de la croix, devenant ainsi les croisés. Cette action aboutit le 15 juillet 1099 à la prise de Jérusalem par les troupes chrétiennes de Godefroy de Bouillon<ref name="Grousset1p218-219">René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem Tome 1 : 1095-1130 L'anarchie musulmane, réédition 2006, édition Perrin, pages 218-219</ref>.
Hugues de Payns, futur fondateur et premier maître de l'ordre du Temple, vint pour la première fois en Terre Sainte en 1104 pour accompagner le comte Hugues de Champagne, alors en pèlerinage<ref name="Demurgerp24">Demurger, 2005, op. cit, page 24</ref>. Ils en revinrent en 1107<ref>Le comte Hugues de Champagne effectua par la suite deux autres pèlerinages, le dernier étant en 1125 à la conclusion duquel il devint lui-même un Templier.</ref>.
Les prémices de l'ordre du Temple
Après la prise de Jérusalem, Godefroy de Bouillon fut désigné roi de Jérusalem par ses pairs, titre qu'il refusa, préférant porter celui d'Avoué du Saint-Sépulcre. Il mit en place l'ordre des chanoines du Saint-Sépulcre qui avait pour mission d'aider le patriarche de Jérusalem dans ses diverses tâches. Un certain nombre d'hommes d'arme, issus de la croisade, se mirent alors au service du patriarche afin de protéger le Saint-Sépulcre<ref name="Demurgerp25">Demurger, 2005, op. cit, page 25</ref>.
Une institution similaire constituée de chevaliers, appelés chevaliers de Saint-Pierre (milites sancti Petri), fut créée en Occident pour protéger les biens des abbayes et églises. Ces chevaliers étaient des laïcs, mais ils profitaient des bienfaits des prières. Par extension, les hommes chargés d'assurer la protection des biens du Saint-Sépulcre ainsi que de la communauté des chanoines étaient appelés milites sancti Sepulcri (chevaliers du Saint-Sépulcre). Il est fort probable qu'Hugues de Payns intégra cette institution dès 1115<ref name="Demurgerp26">Demurger, 2005, op. cit, page 26</ref>. Tous les hommes chargés de la protection du Saint-Sépulcre logeaient à l'hôpital Saint-Jean de Jérusalem situé tout près.
Lorsque l'ordre de l'Hôpital, reconnu en 1113, fut chargé de s'occuper des pèlerins venant d'Occident, une idée naquit : créer une milice du Christ (militia Christi) qui ne s'occuperait que de la protection de la communauté de chanoines du Saint-Sépulcre et des pèlerins sur les chemins de Terre Sainte, alors en proie aux brigands locaux. Ainsi, les chanoines s'occuperaient des affaires liturgiques, l'ordre de l'Hôpital des fonctions charitables et la milice du Christ de la fonction purement militaire de protection des pèlerins. Cette répartition ternaire des tâches reproduisait l'organisation de la société médiévale, qui était composée de prêtres (oratores), de guerriers (bellatores) et de paysans (laboratores)<ref name="Demurger1p1718">Alain Demurger, Chevaliers du Christ: Les ordres religieux-militaires au Moyen Âge, 2002, Seuil, pages 17-18</ref>.
C'est ainsi que l'ordre du Temple, qui se nommait à cette époque militia Christi, prit naissance.
La fondation de l'ordre du Temple
C'est le 23 janvier 1120, lors du concile de Naplouse<ref name="Naplouse">Simone Cerenetti, La révolution des Templiers, pages 86-87, 2007, Perrin</ref>que naquit, sous l'impulsion d'Hugues de Payns et Geoffroy de St-Omer, la milice des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon (en latin : pauperes commilitones Christi Templique Solomonici), qui avait pour mission de sécuriser le voyage des pèlerins affluant d'Occident depuis la reconquête de Jérusalem.
Dans un premier temps, Payns et St-Omer se concentrèrent sur le défilé d'Athlit, un endroit particulièrement dangereux sur la route empruntée par les pèlerins. Par la suite, l'une des plus grandes places fortes templières en Terre Sainte fut construite à cet endroit : le château Pèlerin. Le nouvel ordre ainsi créé ne pouvait survivre qu'avec l'appui de personnes influentes. Hugues de Payns réussit à convaincre le roi de Jérusalem Baudouin II de l'utilité d'une telle milice, chose assez aisée au vu de l'insécurité régnant dans la région à cette époque. Les chevaliers prononcèrent les trois vœux de pauvreté, chasteté et obéissance. Ils reçurent du patriarche Gormond de Picquigny la mission de « garder voies et chemins contre les brigands, pour le salut des pèlerins » (« ut vias et itinera, ad salutem peregrinorum contra latronum »<ref name="Huchet">Patrick Huchet, Les Templiers, de la gloire à la tragédie, 2002, Éditions Ouest-France</ref>) pour la rémission de leurs péchés.
Le roi Baudouin II leur octroya une partie de son palais de Jérusalem, à l'emplacement du Temple de Salomon, qui donna par la suite le nom de Templiers ou de chevaliers du Temple. Hugues de Payns et Geoffroy de Saint-Omer ne furent pas les seuls chevaliers à avoir fait partie de la milice avant que celle-ci ne devienne l'ordre du Temple. Voici donc la liste de ces chevaliers, précurseurs ou "fondateurs" de l'ordre<ref name="Demurgerp51-52">Demurger, 2005, op. cit, pages 51-52</ref>,<ref name="origines">Simone Cerenetti, La révolution des Templiers, p. 115, 2007, Perrin</ref> :
- Hugues de Payns, originaire de Payns en Champagne ;
- Geoffroy de St-Omer, originaire de Saint-Omer dans le comté de Flandre ;
- André de Montbard, originaire de la Bourgogne ;
- Payen de Montdidier, originaire de la Somme en Picardie ;
- Geoffroy Bisol, originaire de Frameries dans le comté de Hainaut ;
- Rolland, originaire du marquisat de Provence ;
- Archambault de Saint-Amand ;
- Gondemare.
Le premier don (de trente livres de sous angevins) reçu par l'ordre du Temple vint de Foulque, comte d'Anjou. Par la suite, Foulque alla en pèlerinage à Jérusalem et en devint le roi<ref name="Demurgerp31">Demurger, 2005, op. cit, p. 31</ref>.
La recherche de soutien
Cependant, la notoriété de la milice ne parvenait pas à s'étendre au-delà de la Terre Sainte et c'est pourquoi Hugues de Payns, accompagné de cinq autres chevaliers (Godefroy de St-Omer, Payen de Montdidier, Geoffroy Bissol, Archambault de St-Amand et Rolland), embarqua pour l'Occident en 1127<ref name="Demurgerp51">Demurger, 2005, op. cit, page 51</ref> afin de porter un message destiné au pape Honorius II et à Bernard de Clairvaux.
Fort du soutien du roi Baudouin et des instructions du patriarche Gormond de Jérusalem, Hugues de Payns avait les trois objectifs suivants<ref name="Demurgerp51">Demurger, 2005, op. cit, page 51</ref>:
- faire reconnaître la milice par l'Église et lui donner une règle : rattachés aux chanoines du Saint-Sépulcre, les chevaliers suivaient comme eux la règle de saint Augustin ;
- donner une légitimité aux actions de la milice puisque la dénomination de moine-chevalier, un amalgame d'une nouveauté absolue, pouvait être en contradiction avec les règles de l'Église et de la société en général ;
- recruter de nouveaux chevaliers et obtenir des dons qui feraient vivre la milice en Terre Sainte.
La tournée occidentale des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon commença en Anjou et passa ensuite par le Poitou, la Normandie, l'Angleterre (où ils reçurent de nombreux dons), la Flandre et enfin la Champagne<ref name="Huchet">Patrick Huchet, Les Templiers, de la gloire à la tragédie, Patrick Huchet, 2002, Éditions Ouest-France</ref>.
Il est à noter que cette démarche d'Hugues de Payns, accompagné de ces cinq chevaliers et soutenu par le roi de Jérusalem, suivait deux tentatives infructueuses qui avaient été faites par André de Montbard et Gondemare, probablement en 1120 et 1125<ref name="Demurgerp52">Demurger, 2005, op. cit, page 52</ref>.
Le concile de Troyes
Arrivant à la fin de sa tournée en Occident et après avoir porté le message du roi de Jérusalem à Bernard de Clairvaux afin qu'il aidât les Templiers à obtenir l'accord et le soutien du pape, Hugues de Payns participa au concile de Troyes (ainsi nommé parce qu'il s'est déroulé dans la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Troyes).
Le 13 janvier 1129<ref name="Demurgerp28">Extrait du livre d'Alain Demurger, Les Templiers, une chevalerie chrétienne au Moyen Âge, 2005, Seuil, page 28 : « À partir d'une minutieuse analyse des documents existants, Rudolf Hiestand a proposé une autre date pour le concile de Troyes et, en conséquence, une autre date pour la fondation de l'ordre. Les chartes du nord-est de la France sont alors datées dans le style (florentin) de l'Annonciation, qui fait débuter l'année non pas le Modèle:1er janvier, comme dans notre actuel calendrier, mais le 25 mars. L'année 1129 commence donc le 25 mars de notre année 1129, mais jusqu'au 24 mars les hommes d'alors vivaient toujours en 1128. Le concile de Troyes, réuni le 13 janvier 1128 selon les textes de l'époque, s'est donc tenu le 13 janvier 1129 de notre actuel calendrier.[....] La démonstration a convaincu et la correction de date proposée pour le concile de Troyes est désormais acceptée par les historiens. »</ref>, le concile s'ouvrit en présence de nombreuses personnalités religieuses dont le prologue de la règle primitive du Temple nous donne les noms<ref name="Demurgerp64">Demurger, 2005, op. cit, page 64</ref>: le cardinal Mathieu d'Albano, légat du pape en France, les archevêques de Reims et de Sens, ainsi que dix de leurs évêques suffragants, quatre abbés cisterciens (ceux de Cîteaux, Clairvaux, Pontigny et Troisfontaines), deux abbés clunisiens (ceux de Molesmes et Vézelay), deux chanoines, deux maîtres et un secrétaire.
En plus des religieux, se trouvaient des personnages laïcs Thibaut IV de Blois, comte de Champagne, André de Baudement, sénéchal du comté de Champagne, Guillaume II, comte de Nevers, Auxerre et Tonnerre.
Le concile mena à la création de l'ordre du Temple et le dota d'une règle propre. Celle-ci qui prit pour base la règle de saint Benoît (présence des cisterciens Bernard de Clairvaux et Étienne Harding, fondateur de Cîteaux) avec néanmoins quelques emprunts à la règle de saint Augustin, que suivaient les chanoines du Saint-Sépulcre aux côtés desquels vécurent les premiers Templiers. Une fois la règle adoptée, elle devait encore être soumise à Étienne de Chartres, patriarche de Jérusalem.
L'Éloge de la Nouvelle Milice
Modèle:Wikisourcetexte L'Éloge de la Nouvelle Milice (De laude nouae militiae) est une lettre que saint Bernard de Clairvaux envoya à Hugues de Payns, dont le titre complet était Liber ad milites Templi de laude novae militiae<ref name="Demurgerp58">Demurger, 2005, op. cit., page 58. Pour avoir le texte latin original : J. Leclercq et H.M. Rochais, «Liber ad milites Templi de laude novae militiae» dans Sancti Bernardi opera, III, Rome, 1963, p.229-237.</ref> et écrite après la défaite de l'armée franque au siège de Damas en 1129.
Bernard y souligne l'originalité du nouvel ordre : le même homme se consacre autant au combat spirituel qu'aux combats dans le monde. « Il n’est pas assez rare de voir des hommes combattre un ennemi corporel avec les seules forces du corps pour que je m’en étonne ; d’un autre côté, faire la guerre au vice et au démon avec les seules forces de l’âme, ce n’est pas non plus quelque chose d’aussi extraordinaire que louable, le monde est plein de moines qui livrent ces combats ; mais ce qui, pour moi, est aussi admirable qu’évidemment rare, c’est de voir les deux choses réunies. (§1) »
De plus, ce texte contenait un passage important où saint Bernard expliquait pourquoi les Templiers avaient le droit de tuer un être humain : « Le chevalier du Christ donne la mort en toute sécurité et la reçoit dans une sécurité plus grande encore. […] Lors donc qu'il tue un malfaiteur, il n'est point homicide mais malicide. […] La mort qu'il donne est le profit de Jésus-Christ, et celle qu'il reçoit, le sien propre. […] »<ref name="Saint-Bernard">saint Bernard, De laude novae militiae, chap. III, § 4.</ref>
Mais pour cela, il fallait que la guerre soit "juste". C'est l'objet du §2 de L'Éloge de la Nouvelle Milice. Bernard est conscient de la difficulté d'un tel concept dans la pratique, car si la guerre n'est pas juste, vouloir tuer tue l'âme de l'assassin : « toutes les fois que vous marchez à l’ennemi, vous qui combattez dans les rangs de la milice séculière, vous avez à craindre de tuer votre âme du même coup dont vous donnez la mort à votre adversaire, ou de la recevoir de sa main, dans le corps et dans l’âme en même temps. [...] la victoire ne saurait être bonne quand la cause de la guerre ne l’est point et que l’intention de ceux qui la font n’est pas droite. (§2) »
Bernard fait donc bien l'éloge de la Nouvelle Milice, mais non sans nuances et précautions... Tous ses §7 & 8 (= ch. IV) tracent un portrait volontairement idéal du soldat du Christ, afin de le donner comme un modèle qui sera toujours à atteindre.
Cet éloge permit aux Templiers de rencontrer une grande ferveur et une reconnaissance générale : grâce à saint Bernard, l'ordre du Temple connut un accroissement significatif : bon nombre de chevaliers s'engagèrent pour le salut de leur âme ou, tout simplement, pour prêter main forte en s'illustrant sur les champs de bataille.
La reconnaissance pontificale
Plusieurs bulles pontificales officialisèrent le statut de l'ordre du Temple.
La bulle Omne datum optimum a été fulminée (rendue publique) par le pape Innocent II le 29 mars 1139<ref name="Demurgerp108">Demurger, 2005, op. cit, page 108</ref> sous la maîtrise de Robert de Craon, deuxième maître de l'ordre du Temple. Elle fut d'une importance capitale pour l'ordre puisqu'elle était à la base de tous les privilèges dont jouissaient les Templiers. En effet, grâce à elle, les frères du Temple eurent droit à la protection apostolique ainsi que d'avoir leurs propres prêtres.
On vit donc une nouvelle catégorie émerger dans la communauté, celle des frères chapelains qui officieraient pour les Templiers. De plus, cette bulle confirma le fait que l'ordre du Temple n'était soumis qu'à l'autorité du pape. La bulle créa aussi une concurrence pour le clergé séculier (ce que ce dernier vit souvent d'un mauvais œil). De nombreux conflits d'intérêt éclatèrent entre les Templiers et les évêques ou les curés.
Les privilèges qu'elle accorda étant souvent remis en cause, la bulle Omne datum optimum fut confirmée douze fois entre 1154 et 1194, et c'est d'ailleurs pour cette raison qu'il ne fut pas aisé de retrouver l'originale<ref name="Demurgerp110">Demurger, 2005, op. cit, page 110</ref>.
La bulle Milites Templi (Chevaliers du Temple) a été fulminée le 9 janvier 1144<ref name="Demurgerp111">Demurger, 2005, op. cit, page 111</ref> par le pape Célestin II. Elle permit aux chapelains du Temple de prononcer l'office une fois par an dans des régions ou villes interdites, « pour l'honneur et la révérence de leur chevalerie », sans pour autant autoriser la présence des personnes excommuniées dans l'église. Mais ce n'est en réalité qu'une confirmation de la bulle Omne datum optimum.
La bulle Militia Dei (Chevalerie de Dieu) a été fulminée par le pape Eugène III, le 7 avril 1145<ref name="Demurgerp111">Demurger, 2005, op. cit, page 111</ref>. Cette bulle permit aux Templiers de construire leurs propres oratoires, mais aussi de disposer d'une totale indépendance vis-à-vis du clergé séculier grâce au droit de percevoir des dîmes et d'enterrer leurs morts dans leurs propres cimetières. De plus, la protection apostolique fut étendue aux familiers du Temple (leurs paysans, troupeaux, biens…).
Des plaintes furent déposées par des Templiers auprès du pape concernant le fait que le clergé prélevait un tiers du legs fait par les personnes désireuses de se faire enterrer dans les cimetières de l'ordre. La bulle Dilecti filii ordonna en conséquence au clergé de ne se contenter que d'un quart des legs<ref name="Melville">Marion Melville, La vie des Templiers, 1974, Gallimard</ref>.
Organisation et mission de l'ordre
Règle et statuts
La règle de l'ordre du Temple faisait quelques emprunts à la règle de saint Augustin mais s'inspirait en majeure partie de la règle de saint Benoît suivie par les moines bénédictins. Elle fut cependant adaptée au genre de vie active, principalement militaire, que menaient les frères Templiers. Par exemple, les jeûnes étaient moins sévères que pour les moines bénédictins, de manière à ne pas affaiblir les Templiers appelés à combattre. Par ailleurs, la règle était adaptée à la bipolarité de l'ordre, ainsi certains articles concernaient aussi bien la vie en Occident (conventuelle) que la vie en Orient (militaire).
La règle primitive (ou latine car rédigée en latin), écrite en 1128, fut annexée au procès-verbal du concile de Troyes en 1129 et contenait soixante-douze articles. Toutefois, vers 1138, sous la maîtrise de Robert de Craon, deuxième maître de l'ordre (1136-1149), la règle primitive fut traduite en français et modifiée. Par la suite, à différentes dates, la règle fut étoffée par l'ajout de six cent neuf retraits ou articles statutaires, notamment à propos de la hiérarchie et de la justice au sein de l'ordre.
Notons que de sa fondation et durant toute son existence, l'ordre ne s'est pas doté d'une devise.
La réception dans l'ordre
Les commanderies avaient, entre autres, pour rôle d'assurer de façon permanente le recrutement des frères. Ce recrutement devait être le plus large possible. Ainsi, les hommes laïcs de la noblesse et de la paysannerie libre pouvaient prétendre à être reçus s'ils répondaient aux critères exigés par l'ordre.
Tout d'abord, l'entrée dans l'ordre était gratuite et volontaire. Le candidat pouvait être pauvre. Avant toute chose, il faisait don de lui-même. Il était nécessaire qu'il fût motivé car il n'y avait pas de période d'essai par le noviciat. L'entrée était directe (prononciation des vœux) et définitive (à vie).
Les principaux critères étaient les suivants :
- être âgé de plus de 18 ans (la majorité pour les garçons était fixée à 16 ans) (article 5Image:Cool.gif
- ne pas être fiancé (article 669)
- ne pas faire partie d'un autre ordre (article 670)
- ne pas être endetté (article 671)
- être en parfaite santé mentale et physique (ne pas être estropié) (article 672)
- n'avoir soudoyé personne pour être reçu dans l'ordre (article 673)
- être homme libre (le serf d'aucun homme) (article 673)
- ne pas être excommunié (article 674)
Le candidat était prévenu qu'en cas de mensonge prouvé, il serait immédiatement renvoyé. « ... si vous en mentiez, vous en seriez parjure et en pourriez perdre la maison, ce dont Dieu vous garde. » (Extrait de l’article 66Image:Cool.gif
Hiérarchie
Les Templiers étaient organisés comme un ordre monastique, suivant la règle créée pour eux par Bernard de Clairvaux. Dans chaque pays était nommé un maître qui dirigeait l'ensemble des commanderies et dépendances et tous étaient sujets du maître de l'ordre, désigné à vie, qui supervisait à la fois les efforts militaires de l'ordre en Orient et ses possessions financières en Occident.
Avec la forte demande de chevaliers, certains parmi eux se sont aussi engagés à la commande pendant une période prédéterminée avant d'être renvoyés à la vie séculaire, comme les Fratres conjugati, qui étaient des frères mariés. Ils portaient le manteau noir ou brun avec la croix rouge pour les distinguer des frères ayant choisi le célibat et qui n'avaient pas le même statut que ces derniers.
Les frères servants (frères casaliers et frères de métiers) étaient choisis parmi les sergents qui étaient d'habiles marchands ou alors incapables de combattre en raison de leur âge ou d'une infirmité. La grande majorité des Templiers, incluant les chevaliers et les maîtres de l'ordre, étaient incultes et illettrés, n'étant pas issus de la haute noblesse mais de familles plus obscures.
À tout moment, chaque chevalier avait environ dix personnes dans des positions de soutien. Quelques frères seulement se consacraient aux opérations bancaires (spécialement ceux qui étaient éduqués), car l'ordre a souvent eu la confiance des participants aux croisades pour la bonne garde de marchandises précieuses. Cependant, la mission première des Chevaliers du Temple restait la protection militaire des pèlerins de Terre sainte.
Les maîtres de l'ordre du Temple
L'expression « grand maître » pour désigner le chef suprême de l'ordre est apparue à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle dans des chartes tardives et dans les actes du procès des Templiers. Puis, elle a été reprise et popularisée par certains historiens des Modèle:S2. Elle est aujourd'hui largement répandue. Or, ce grade n'existait pas dans l'ordre et les Templiers eux-mêmes ne semblaient pas l'utiliser<ref name="Bordonovep160">Georges Bordonove, La Vie quotidienne des Templiers au XIIIe siècle, 1990, Hachette, page 160</ref>. Cependant, dans des textes tardifs apparaissent les qualificatifs de « maître souverain » ou « maître général » de l'ordre. Dans la règle et les retraits de l'ordre, il est appelé Li Maistre et un grand nombre de dignitaires de la hiérarchie pouvaient être appelés ainsi sans l'adjonction d'un qualificatif particulier. Les précepteurs des commanderies pouvaient être désignés de la même façon. Il faut donc se référer au contexte du manuscrit pour savoir de qui l'on parle. En Occident comme en Orient, les hauts dignitaires étaient appelés maîtres des pays ou provinces : il y avait donc un maître en France, un maître en Angleterre, un maître en Espagne, etc. Aucune confusion n'était possible puisque l'ordre n'était dirigé que par un seul maître à la fois, celui-ci demeurant à Jérusalem. Pour désigner le chef suprême de l'ordre, il convient de dire simplement le maître de l'ordre et non grand maître.
Durant sa période d'existence, s'étalant de 1129<ref name="DemurgerDATE">Date à laquelle le concile de Troyes a eut lieu et pendant lequel la création de l'ordre du Temple a été entérinée</ref> à 1312<ref name="DemurgerDATE2">Date à laquelle le pape Clément V fulmina la bulle Vox in excelso, officialisant la dissolution de l'ordre du Temple</ref>, soit 183 ans, l'ordre du Temple a été dirigé par vingt-trois maîtres.
Protection des pèlerins et garde de reliques
La vocation de l'ordre du Temple était la protection des pèlerins chrétiens pour la Terre sainte. Ce pèlerinage comptait parmi les trois plus importants de la chrétienté du Moyen Âge. Il durait plusieurs années et les pèlerins devaient parcourir près de douze mille kilomètres aller-retour à pied, ainsi qu'en bateau pour la traversée de la mer Méditerranée. Les convois partaient deux fois par an, au printemps et en automne <ref name="Melville">La vie des Templiers, Marion Melville, 1974, Gallimard</ref>. Généralement, les pèlerins étaient débarqués à Acre, appelée aussi Saint-Jean-d'Acre, puis devaient se rendre à pied sur les lieux saints. En tant que gens d'armes (gendarme), les Templiers sécurisaient les routes, en particulier celle de Jaffa à Jérusalem et celle de Jérusalem au Jourdain. Ils avaient également la garde de certains lieux saints : Bethléem, Nazareth, le Mont des Oliviers, la vallée de Josaphat, le Jourdain, la colline du Calvaire et le Saint-Sépulcre à Jérusalem.
Tous les pèlerins avaient droit à la protection des Templiers. Ainsi, ces derniers participèrent aux croisades, pèlerinages armés, pour effectuer la garde rapprochée des souverains d'Occident. Aussi, en 1147, les Templiers prêtèrent main forte à l'armée du roi Louis VII attaquée dans les montagnes d'Asie Mineure durant la deuxième croisade (1147-1149). Cette action permit la poursuite de l'expédition et le roi de France leur en fut très reconnaissant. Lors de la troisième croisade (1189-1192), les Templiers et les Hospitaliers assuraient respectivement l'avant-garde et l'arrière-garde de l'armée de Richard Cœur de Lion dans les combats en marche. Lors de la cinquième croisade, la participation des ordres militaires, et donc les Templiers, a été décisive dans la protection des armées royales de Louis IX devant Damiette.
L'ordre du Temple a aidé exceptionnellement les rois en proie à des difficultés financières. À plusieurs reprises dans l'histoire des croisades, les Templiers renflouèrent les caisses royales momentanément vides (croisade de Louis VII), ou payèrent les rançons de rois faits prisonniers (croisade de Louis IX).
En Orient comme en Occident, l'ordre du Temple était en possession de reliques. Il était parfois amené à les transporter pour son propre compte ou bien convoyait des reliques pour autrui. Les chapelles templières abritaient les reliques des saints auxquelles elles étaient dédiées. Parmi les plus importantes reliques de l'ordre se trouvaient le manteau de saint Bernard, des morceaux de la couronne d'épines, des fragments de la Vraie Croix.
Les sceaux templiers
Il n'y a pas de consensus établi sur le symbolisme des deux chevaliers sur un même cheval. Contrairement à une idée souvent répétée, il ne s'agirait pas de mettre en avant l'idéal de pauvreté puisque l'ordre fournissait au moins trois chevaux à ses chevaliers. L'historien Georges Bordonove exprime une hypothèse qui peut se prévaloir d'un document d'époque avec Bernard dans son De laude nouae militiae<ref>dans la citation que nous avons déjà donnée (le §1)</ref>.
« »
Alain Demurger explique pour sa part que certains historiens ont cru y reconnaître les deux fondateurs de l'ordre, Hughes de Payns et Godefroy de Saint-Omer. Il retient cependant une autre explication : Le sceau symboliserait la vie commune, l'union et le dévouement.<ref>Demurger, Vie et mort de l'Ordre du Temple, pp. 80-81</ref>
Tenues des chapitres
Dans l'ordre du Temple, il existait deux types de réunion de chapitre : le chapitre général et le chapitre hebdomadaire.
Le transport maritime
Le lien entre l'Orient et l'Occident était essentiellement maritime. Pour les Templiers, l'expression "outre-mer" désignait l'Europe tandis que « l'en-deçà des mers » et plus précisément de la mer Méditerranée, représentait l'Orient. Afin d'assurer le transport des biens, des armes, des frères de l'ordre, des pèlerins et des chevaux, l'ordre du Temple avait fait construire ses propres bateaux. Il ne s'agissait pas d'une flotte importante, comparable à celles des Modèle:S2, mais de quelques navires qui partaient des ports de Marseille, Saint-Raphaël, Collioure<ref name="Melville">Marion Melville, La vie des Templiers, 1974, Gallimard</ref> ou d'Aigues-Mortes en France et d'autres ports italiens. Ces bateaux se rendaient dans les ports orientaux après de nombreuses escales.
Plutôt que de financer l'entretien de navires, l'ordre pratiquait la location de bateaux de commerce appelés « nolis ». Inversement, la location de nefs templières à des marchands occidentaux était pratiquée. Il était d'ailleurs financièrement plus avantageux d'accéder aux ports exonérés de taxes sur les marchandises que de posséder des bateaux. Les commanderies situées dans les ports jouaient donc un rôle important dans les activités commerciales de l'ordre. Des établissements templiers étaient installés à Gênes, Pise ou Venise, mais c'était dans le sud de l'Italie, plus particulièrement à Brindisi, que les nefs templières méditerranéennes passaient l'hiver.
Notons que les Templiers d'Angleterre se fournissaient en vin du Poitou à partir du port de La Rochelle<ref name="Demurger">Demurger, 2005, op. cit.</ref>.
On distinguait deux sortes de bateaux, les nefs et les galères. Il n'est pas prouvé que des huissiers, c'est-à-dire les bateaux munis d'un huis (autrement dit d'une porte) et réservés au transport des chevaux, aient appartenu au Temple.
L'article 119 des retraits de la Règle indique que « tous les vaisseaux de mer qui sont de la maison d'Acre sont au commandement du commandeur de la terre. Et le commandeur de la voûte d'Acre, et tous les frères qui sont sous ses ordres sont en son commandement et toutes les choses que les vaisseaux apportent doivent être rendues au commandeur de la terre. »
Le port d'Acre était le plus important de l'ordre. La voûte d'Acre était le nom d'un des établissements possédés par les Templiers dans la ville, celui-ci se trouvant près du port. Entre la rue des Pisans et la rue Sainte-Anne, la voûte d'Acre comprenait un donjon et des bâtiments conventuels<ref name="dailliezp160">Laurent Dailliez, Règles et statuts de l'Ordre du Temple, 1996, Devry, page 160</ref>.
Voici les noms de navires du Temple<ref name="Demurger">Demurger, 2005, op. cit</ref> :
- Le Templère, le Buscart, le Buszarde du Temple vers 1230 reliant l'Angleterre au continent
- La Bonne Aventure en 1248, la Rose du Temple en 1288-1290 à Marseille
- L'Angellica en Italie du sud
- Le Faucon en 1291 et 1301 ainsi que La Santa Anna en 1302 à Chypre.
Les Templiers
Des hommes de toutes origines et de toutes conditions constituaient le corps du peuple templier à chaque niveau de la hiérarchie. Différents textes permettent aujourd'hui de déterminer l'apparence des frères chevaliers et sergents.
L'habit
La reconnaissance de l'ordre du Temple ne passait pas seulement par l'élaboration d'une règle et un nom, mais aussi par l'attribution d'un code vestimentaire particulier propre à l'ordre du Temple.
Le manteau des Templiers faisait référence à celui des moines cisterciens.
Seuls les chevaliers, les frères issus de la noblesse, avaient le droit de porter le manteau blanc, symbole de pureté de corps et de chasteté. Les frères sergents, issus de la paysannerie, portaient quant à eux un manteau de bure, sans pour autant que ce dernier ait une connotation négative. C'était l'ordre qui remettait l'habit et c'est aussi lui qui avait le pouvoir de le reprendre. L'habit lui appartenait, et dans l'esprit de la règle, le manteau ne devait pas être un objet de vanité. Il y est dit que si un frère demandait un plus bel habit, on devait lui donner le « plus vil ».
La perte de l'habit était prononcée par la justice du chapitre pour les frères qui avaient enfreint gravement le règlement. Il signifiait un renvoi temporaire ou définitif de l'ordre.
Dans sa bulle Vox in excelso d'abolition de l'ordre du Temple, le pape Clément V indiqua qu'il supprimait « le dit ordre du Temple et son état, son habit et son nom », ce qui montre bien l'importance que l'habit avait dans l'existence de l'ordre.
La croix rouge
Il semble que la croix rouge n'ait été accordée que tardivement aux Templiers, en 1147, par le pape Eugène III<ref name="Demurgerp139">Demurger, 2005, op. cit, page 139</ref>. Il aurait donné le droit de la porter sur l'épaule gauche, du côté du cœur. La règle de l'ordre et ses retraits ne faisaient pas référence à cette croix. Cependant, la bulle papale Omne datum optimum la nomma par deux fois. Aussi est-il permis de dire que les Templiers portaient déjà la croix rouge en 1139. C'est donc sous la maîtrise de Robert de Craon, deuxième maître de l'ordre, que la « croix de gueule » devint officiellement un insigne templier. Il est fort probable que la croix des Templiers ait été issue de la croix de l'ordre du Saint-Sépulcre dont avaient fait partie Hugues de Payns et ses compagnons d'arme. Cette croix rouge était potencée, cantonnée de quatre petites croix appelées croisettes.
La forme de la croix des Templiers n'a jamais été fixée. L'iconographie templière la présenta grecque simple, ancrée, fleuronnée ou pattée<ref name="Demurgerp203">Alain Demurger, Chevaliers du Christ : Les ordres religieux-militaires au Moyen Âge, 2002, Seuil, page 203</ref>. Quelle qu'ait été sa forme, elle indiquait l'appartenance des Templiers à la chrétienté et la couleur rouge rappelait le sang versé par le Christ. Cette croix exprimait aussi le voeu permanent de croisade à laquelle les Templiers s'engageaient à participer à tout moment. Il faut cependant préciser que tous les Templiers n'ont pas participé à une croisade.
Le visage templier
Dans son homélie (1130-1136), appelée De laude nouae militae (Éloge de la nouvelle milice), Bernard de Clairvaux présente un portrait physique et surtout moral des Templiers, qui s'opposait à celui des chevaliers du siècle :
- « Ils se coupent les cheveux ras, sachant de par l'Apôtre que c'est une ignominie pour un homme de soigner sa coiffure. On ne les voit jamais peignés, rarement lavés, la barbe hirsute, puant la poussière, maculés par les harnais et par la chaleur... ».
Bien que contemporaine des Templiers, cette description était plus allégorique que réaliste, Saint Bernard ne s'étant jamais rendu en Orient. Par ailleurs, l'iconographie templière est mince. Dans les rares peintures les représentant à leur époque, leurs visages, couverts d'un heaume, d'un chapeau de fer ou d'un camail, ne sont pas visibles ou n'apparaissent que partiellement.
Dans l'article 28, la règle latine précisait que « les frères devront avoir les cheveux ras », ceci pour des raisons à la fois pratiques et d'hygiène dont ne parlait pas saint Bernard, mais surtout « afin de se considérer comme reconnaissant la règle en permanence ». De plus, « afin de respecter la règle sans dévier, ils ne doivent avoir aucune inconvenance dans le port de la barbe et des moustaches. » Notons que les frères chapelains étaient tonsurés et imberbes. De nombreuses miniatures, qui représentent les Templiers sur le bûcher, ne sont ni contemporaines, ni réalistes. À ce moment, certains s'étaient même rasés pour montrer leur désengagement de l'ordre.
Enfin, les peintres officiels du XIXe siècle ont imaginé les Templiers à leur manière, mêlant idéalisme et romantisme, avec de longues chevelures et de grandes barbes.
La vie quotidienne
« [...] car de notre vie vous ne voyez que l'écorce qui est par dehors. Car l'écorce est telle que vous nous voyez avoir beaux chevaux et belles robes, et ainsi vous semble que vous serez à votre aise. Mais vous ne savez pas les forts commandements qui sont par dedans. Car c'est une grande chose que vous, qui êtes sire de vous-même, deveniez serf d'autrui. » (Extrait de l'article 661 de la règle).
La règle de l'ordre et ses retraits nous informent de manière précise sur ce que fut la vie quotidienne des Templiers en Occident comme en Orient. Cette vie était partagée entre les temps de prières, la vie collective (repas, réunions), l'entraînement militaire, l'accompagnement et la protection des pèlerins, la gestion des biens de la maison, le commerce, la récolte des taxes et impôts dus à l'ordre, le contrôle du travail des paysans sur les terres de l'ordre, la diplomatie, la guerre et le combat contre les infidèles.
Les Templiers et la guerre
Le cheval
Un ordre de chevalerie ne va pas sans cheval. Ainsi, l'histoire de l'ordre du Temple fut intimement liée à cet animal. Pour commencer, un noble qui était reçu dans l'ordre pouvait faire don de son destrier, un cheval de combat que les écuyers tenaient à dextre, c'est-à-dire à droite. Après 1140, on comptait de nombreux donateurs de la grande noblesse léguant aux Templiers des armes et des chevaux.
Pour équiper son armée, l'ordre du Temple fournissait trois chevaux à chacun de ses chevaliers dont l'entretien était assuré par un écuyer (articles 30 & 31 de la règle). La règle précise que les frères pouvaient avoir plus de trois chevaux, lorsque le maître les y autorisait. Cette mesure visait sans doute à prévenir la perte des chevaux, afin que les frères eussent toujours trois chevaux à disposition.
Ces chevaux devaient être harnachés de la plus simple manière exprimant le vœu de pauvreté. Selon la règle (article 37) « Nous défendons totalement que les frères aient de l'or et de l'argent à leur brides, à leurs étriers et à leurs éperons ». Parmi ces chevaux se trouvait un destrier qui était entraîné au combat et réservé à la guerre. Les autres chevaux étaient des sommiers ou bêtes de somme de race comtoise ou percheronne. Ce pouvaient être aussi des mulets appelés « bêtes mulaces ». Ils assuraient le transport du chevalier et du matériel. Il y avait aussi le palefroi, plus spécialement utilisé pour les longs déplacements.
Selon les retraits, la hiérarchie de l'ordre s'exprimait à travers l'attribution réglementaire des montures. Les retraits commencent ainsi : « Le maître doit avoir quatre bêtes... » indiquant l'importance du sujet. D'ailleurs, les trois premiers articles du maître de l'ordre (articles 77, 78 et 79) portaient sur son entourage et le soin aux chevaux. On apprend ainsi que les chevaux étaient nourris en mesures d'orge (céréale coûteuse et donnant beaucoup plus d'énergie aux chevaux que la simple ration de foin) et qu'un maréchal-ferrant se trouvait dans l'entourage du maître.
Parmi les chevaux du maître se trouvait un turcoman, pur sang arabe qui était un cheval de guerre d'élite et de grande valeur car très rapide.
Quatre chevaux étaient fournis à tous les hauts dignitaires : sénéchal, maréchal, commandeur de la terre et du royaume de Jérusalem, commandeur de la cité de Jérusalem, commandeurs de Tripoli et d'Antioche, drapier, commandeurs des maisons (commanderies), turcopolier. Les frères sergents tels que le sous-maréchal, le gonfanonier, le cuisinier, le maréchal-ferrant et le commandeur du port d'Acre avaient droit à deux chevaux. Les autres frères sergents ne disposaient que d'une seule monture. Les turcopoles, soldats arabes au service de l'ordre du Temple, devaient fournir eux-mêmes leurs chevaux.
C'était le maréchal de l'ordre qui veillait à l'entretien de tous les chevaux et du matériel, armes, armures et harnais, sans lesquels la guerre n'était pas possible. Il était responsable de l'achat des chevaux (article 103) et il devait s'assurer de leur parfaite qualité. Un cheval rétif devait lui être montré (article 154) avant d'être écarté du service.
Les destriers étaient équipés d'une selle à "croce" (à crosse), appelée aussi selle à arçonnière, qui était une selle montante pour la guerre et qui permettait de maintenir le cavalier lors de la charge. Les commanderies du sud de la France, mais aussi celles de Castille, d'Aragon et de Gascogne, étaient spécialisées dans l'élevage des chevaux<ref name="Demurgerp191">Demurger, 2005, op. cit, page 191</ref>. Ceux-ci étaient ensuite acheminés dans les États latins d'Orient par voie maritime. Pour cela, ils étaient transportés dans les cales des nefs templières et livrés à la caravane du maréchal de l'ordre qui supervisait la répartition des bêtes selon les besoins. Lorsqu'un Templier mourait ou était envoyé dans un autre État, ses chevaux revenaient à la maréchaussée (article 107).
Rares sont les représentations des Templiers. Il nous est cependant parvenu une peinture murale d'un chevalier du Temple en train de charger sur son destrier. Il s'agit d'une fresque de la chapelle de Cressac en Charente, datant de 1170 ou 1180.
L'équipement militaire
Le noble des Modèle:S2 devait se faire confectionner un équipement complet (vêtement et armes) pour être adoubé chevalier. Ce matériel, nécessitant essentiellement des métaux, valait une fortune et pesait environ cinquante kilos. Les chevaliers et sergents templiers devaient disposer d'un tel équipement.
La protection du corps était assurée par<ref name="Melville">Marion Melville, La vie des Templiers, 1974, Gallimard</ref> un écu, une cotte de maille et un heaume.
- L'écu (ou bouclier) de forme triangulaire, pointe en bas, était fait de bois et recouvert d'une feuille de métal ou de cuir. Il servait à protéger le corps, mais sa taille fut réduite dans le courant du XIIe siècle pour être allégé et donc plus maniable.
- La cotte de mailles était constituée de milliers d'anneaux en fer d'un centimètre de diamètre entrelacés et parfois rivetés. Cette cotte était constituée de quatre parties : les chausses de mailles attachées à la ceinture par des lanières de cuir, le haubert protégeait le corps et les bras et le camail ou coiffe de mailles. Un mortier ou casquette en cuir était posé sur la tête pour supporter le heaume. Les mains étaient protégées par des gants en mailles appelés gants d'arme (article 325 de la Règle). Il est à noter que le haubert fut raccourci au genou au cours du XIIIe siècle pour être plus léger.
- Le heaume était sans visière mobile, ou prenait la forme d'un chapeau de fer ne protégeant pas le visage.
Le sous-vêtement se composait d'une chemise de lin et de braies. La protection du corps était renforcée par le port de chausses de cuir attachées par des lanières, et un gambison ou gambeson en cuir. Pour finir, le surcot, porté sur la cotte, est aussi appelé jupon d'arme ou cotte d'arme. Il était cousu d'une croix rouge, insigne de l'ordre, devant comme derrière. Il permettait de reconnaître les combattants Templiers sur le champ de bataille comme en tout lieu. Le baudrier, porté autour des reins, était une ceinture spéciale qui permettait d'accrocher l'épée et de maintenir le surcot près du corps.
Selon Georges Bordonove, le Templier recevait une épée, une lance, une masse et un couteau lors de sa réception dans l'ordre.
Maniée à deux mains, l'épée avait un double tranchant et un bout arrondi. En effet, elle devait être maniée de façon à frapper de "taille", c'est-à-dire avec le tranchant. Elle était pratiquement employée comme une masse d'arme dans la mesure où elle ne pouvait transpercer une cotte de mailles. Toutefois, contre un ennemi qui n'avait pas cette protection, l'épée se révélait plus efficace et plus élégante que la masse.
La masse d'arme templière était principalement une masse dite turque aux pointes saillantes. L'épée et les masses servaient à frapper l'ennemi de manière à lui briser les os. Les blessés mourraient alors d'hémorragie interne. La lance était une perche en bois terminée par une pointe en fer forgé appelée tête de fer. Chaque frère détenait trois couteaux dont un couteau d'arme, un autre "de pain taillé" qui servait à manger et un canif à lame étroite<ref name="Melville">Marion Melville, La Vie des Templiers, 1974, Gallimard</ref>.
Le drapeau
Le drapeau de l'ordre du Temple était appelé le gonfanon baucent. Baucent, qui signifie bicolore, avait plusieurs graphies : baussant, baucent ou balcent. C'était un rectangle vertical composé de deux bandes, l'une blanche et l'autre noire, coupées au tiers supérieur. Porté en hauteur au bout d'une lance, il était le signe de ralliement des combattants Templiers sur le champ de bataille, protégé en combat par une dizaine de chevaliers. Celui qui en était responsable était appelé le gonfanonier. Selon la circonstance, le gonfanonier désignait un porteur qui pouvait être un écuyer, un soldat turcopole ou une sentinelle. Le gonfanonier chevauchait devant et conduisait son escadron sous le commandement du maréchal de l'ordre.
Le gonfanon devait être visible en permanence sur le champ de bataille et c'est pourquoi il était interdit de l'abaisser. Ce manquement grave au règlement pouvait être puni par la sanction la plus sévère, c’est-à-dire la perte de l'habit qui signifiait le renvoi de l'ordre. Selon l'historien Georges Bordonove<ref name="Bordonovep174">Georges Bordonove, La Vie quotidienne des Templiers au XIIIe siècle, 1990, Hachette, page 174</ref>, lorsque le gonfanon principal tombait parce que son porteur et sa garde avaient été tués, le commandeur des chevaliers déroulait un étendard de secours et reprenait la charge. Si celui-ci venait à disparaître à son tour, un commandeur d'escadron devait lever son pennon noir et blanc et rallier tous les Templiers présents.
Si les couleurs templières n'étaient plus visibles, les Templiers survivants devaient rejoindre la bannière des Hospitaliers. Dans le cas où celle-ci était tombée, les Templiers devaient rallier la première bannière chrétienne qu'ils apercevaient.
Le gonfanon baucent est représenté dans les fresques de la chapelle templière San Bevignate de Pérouse en Italie. La bande blanche se situe dans la partie supérieure. Il est aussi dessiné dans la chronica majorum, les Chroniques de Matthieu Paris en 1245. Dans ce cas, la bande blanche se trouve dans la partie inférieure.<ref name="dailliezp385p388">Laurent Dailliez, Règles et statuts de l'Ordre du Temple, 1996, Devry, pages 385 et 388</ref>
Le saint patron
Le saint patron et protecteur des Templiers était saint Georges, le saint chevalier. Il était également le patron de l'ordre teutonique et plus généralement de tous les chevaliers chrétiens. Son tombeau est vénéré à Lydda en Israël.
Les Templiers vus par leurs ennemis
Les croisés dans leur ensemble étaient perçus par les Arabes comme de véritables barbares, ignorants et puérils. Au début du XIIe siècle, les Templiers se révélèrent être les combattants les plus fanatiques que durent affronter les Arabes<ref name="Maaloufp133">Amin Maalouf, Les Croisades vues par les Arabes, 1985, J'ai lu, page 133</ref>. Cependant, en dehors du champ de bataille, on note qu'une certaine tolérance religieuse les animait. En 1140, l'émir et chroniqueur Oussama Ibn Mounqidh, par ailleurs ambassadeur auprès des Francs, se rendit à Jérusalem. Il avait l'habitude d'aller à l'ancienne mosquée al-Aqsa, « lieu de résidence de mes amis les Templiers »<ref name="Maaloufp154">Amin Maalouf, Les Croisades vues par les Arabes, 1985, J'ai lu, page 154</ref>. L'émir rapporta une anecdote pendant laquelle les Templiers prirent ouvertement sa défense lors de la prière. Alors que la façon de prier des musulmans était à la fois inconnue et incomprise des Francs nouvellement arrivés en Orient, les Templiers, eux, trouvaient leur intérêt en faisant respecter ce culte, même si celui-ci était qualifié d'infidèle.
Quelques années plus tard, en 1187, lors de la bataille de Hattin, le chef musulman Saladin fit décapiter au sabre, sur place et en sa présence, près de deux cent trente Templiers prisonniers. Le secrétaire particulier de Saladin concluait en parlant de son maître : « Que de maux il guérit en mettant à mort un Templier ». En revanche, les chefs militaires arabes épargnaient les maîtres de l'ordre prisonniers parce qu'ils savaient que dès qu'un maître mourait, il était immédiatement remplacé<ref name="Demurgerp226">Demurger, 2005, op. cit, page 226</ref>.
Les principales batailles
Dans l'action militaire, les Templiers étaient des soldats d'élite. Ils ont fait preuve de courage et se sont révélés être de fins stratèges. Ils étaient présents sur tous les champs de batailles où se trouvait l'armée franque et ont intégré les armées royales dès 1129<ref name="Demurgerp135">Alain Demurger, Chevaliers du Christ: Les ordres religieux-militaires au Moyen Âge, 2002, Seuil, pages 135</ref>.
- Second siège d'Ascalon (16 août 1153)
Le siège de Damas ayant été une grosse défaite pour le roi de Jérusalem, Baudouin III, celui-ci décida de lancer une attaque sur Ascalon.
Le maître de l'ordre, Bernard de Tramelay, appuya l'avis du roi et l'attaque fut lancée le 16 août 1153. Ce fut une hécatombe pour les Templiers qui pénètrèrent au nombre de quarante dans la cité derrière leur Maître. En effet, ils furent tous tués par les défenseurs égyptiens de la cité et leurs corps suspendus aux remparts<ref name="Demurgerp207">Demurger, 2005, op. cit, page 207</ref>.
Cet épisode a soulevé de nombreuses polémiques car certains prétendirent que les Templiers voulaient entrer seuls dans la cité afin de s'approprier tous les biens et trésors alors que d'autres pensaient qu'ils voulaient, au contraire, marquer l'ordre d'un fait d'arme.
Toutefois, la ville d'Ascalon tomba le 22 août 1153<ref name="Demurgerp208">Demurger, 2005, op. cit, page 208</ref> et l'ordre du Temple élut un nouveau maître : André de Montbard. Il accepta cette nomination pour contrer l'élection d'un autre chevalier du Temple, Guillaume II de Chanaleilles, fils de Guillaume Ier (l'un des héros de la Première croisade aux côtés du comte de Toulouse Raymond IV, dit Raymond de Saint-Gilles), favori du roi de France Louis VII et qui aurait permis au roi de contrôler l'ordre.
- Bataille de Montgisard (25 novembre 1177)
Cette alliance de forces eut raison de l'armée de Saladin à Montgisard, près de Ramla.
- Bataille de Hattin (4 juillet 1187)Image:Searchtool.svg Article détaillé : Bataille de Hattin.
Après la mort du roi lépreux Baudouin IV, Guy de Lusignan devint roi de Jérusalem par le biais de sa femme Sybille, sœur du roi.
Sur les conseils du Temple (alors commandé par Gérard de Ridefort) et de l'Hôpital, Guy de Lusignan apprêta l'armée. Comme le temps était particulièrement aride et que l'unique point d'eau se situait à Hattin, près de Tibériade, le roi fit prendre cette direction à ses troupes.
Le 4 juillet 1187<ref name="Grousset2p752">René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem Tome 2 : 1131-1187 L'équilibre, réédition 2006, édition Perrin, page 752</ref>, Saladin encercla les Francs. Presque toute l'armée fut faite prisonnière (environ quinze mille hommes), ainsi que le roi lui-même. Saladin ayant une aversion particulière pour les Templiers, ceux-ci ont tous été exécutés par décapitation (ainsi que tous les Hospitaliers). Un seul Templier fut épargné, le maître en personne : Gérard de Ridefort.
- Bataille d'Arsouf (7 septembre 1191)
Dans les premiers temps de la bataille, Richard subit l'initiative de Saladin mais reprit la situation en main pour finalement mettre l'armée de Saladin en déroute par deux charges successives de la chevalerie franque et ce malgré le déclenchement prématuré de la première charge<ref name="Grousset3p110">René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem Tome 3 : 1188-1291 L'anarchie franque, réédition 2006, édition Perrin, page 110</ref>.
- Bataille de Mansourah (8 février 1250)
Saint Louis reprit l'avantage le soir même en anéantissant les troupes qui venaient d'exterminer son avant-garde. Cependant, les Templiers avaient perdu entre-temps presque tous leurs hommes.
Les Templiers et l'argent
Le prêt
Les Templiers devaient exercer une activité économique, commerciale et financière pour payer les frais inhérents au fonctionnement de l'ordre et les dépenses de leurs activités militaires en Orient. Cependant, il ne faut pas confondre cette activité avec celle de la banque. L'usure, c'est-à-dire une tractation comportant le paiement d'un intérêt, était interdite par l'Église aux chrétiens et de surcroît aux religieux<ref name="Le Goffp72">Jacques Le Goff, Marchands et banquiers du Moyen Âge, 1980, PUF, page 72</ref>.
Comme le dit l'Ancien Testament : Modèle:Début citationTu n'exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour l'argent, ni pour vivres, ni pour aucune chose qui se prête à intérêt.Modèle:Fin citation
Les Templiers prêtaient de l'argent à toutes sortes de personnes ou institutions : pèlerins, croisés, marchands, congrégations monastiques, clergé, rois et princes... Le montant du remboursement était parfois supérieur à la somme initiale lorsqu'il pouvait être camouflé par un acte de changement de monnaie. C'était une façon courante de contourner l'interdit.
Lors de la croisade de Louis VII, le roi de France en arrivant à Antioche demanda une aide financière aux Templiers. Le maître de l'ordre, Evrard des Barrès, fit le nécessaire. Le roi de France écrivait à son intendant en parlant des Templiers, « nous ne pouvons pas nous imaginer comment nous aurions pu subsister dans ces pays [Orient] sans leur aide et leur assistance.(...) Nous vous notifions qu'ils nous prêtèrent et empruntèrent en leur nom une somme considérable. Cette somme leur doit être rendue (...). » La somme en question représentait deux mille marcs d'argent<ref name="Melvillep65">Marion Melville, La vie des Templiers, 1974, Gallimard, page 65.</ref>.
La lettre de change
L’activité financière de l'ordre prévoyait que les particuliers pussent déposer leurs biens lors d'un départ en pèlerinage vers Jérusalem, Saint-Jacques de Compostelle ou Rome. Les Templiers inventèrent ainsi le bon de dépôt. Lorsqu'un pèlerin confiait aux Templiers la somme nécessaire à son pèlerinage, le frère trésorier lui remettait une lettre sur laquelle était inscrite la somme déposée. Cette lettre manuscrite et authentifiée prit le nom de lettre de change. Le pèlerin pouvait ainsi voyager sans argent sur lui et se trouvait plus en sécurité. Arrivé à destination, il récupérait auprès d'autres Templiers l'intégralité de son argent en monnaie locale. Les Templiers ont mis au point et institutionnalisé le service du change des monnaies pour les pèlerins.
Le trésor de l'Ordre
Il s'agissait d'un coffre fermé à clé dans lequel étaient gardés de l'argent, des bijoux, mais aussi des archives. Ce coffre-fort était appelé huche. Le maître de l'ordre à Jérusalem en effectuait la comptabilité avant que celle-ci ne fût transférée à la fin du XIIIe siècle au trésorier de l'ordre. Trois articles des retraits de la règle nous renseignent sur le fonctionnement financier de l'ordre. Le maître pouvait autoriser le prêt d'argent (sans intérêt) avec ou sans l'accord de ses conseillers selon l'importance de la somme. Les revenus provenant des commanderies d'Occident étaient remis au trésor du siège de l'ordre à Jérusalem.
Tous les dons en argent de plus de cent besants étaient concentrés dans le trésor de l'ordre. Les commanderies de Paris ou de Londres servaient de centres de dépôts pour la France et l'Angleterre. Chaque commanderie pouvait fonctionner grâce à une trésorerie conservée dans un coffre. Au moment de l'arrestation des Templiers en 1307, il a été retrouvé un seul coffre important, celui du visiteur de France, Hugues de Pairaud. L'argent qu'il contenait a été confisqué par le roi et a immédiatement rejoint les caisses royales<ref name="Demurgerp224">Demurger, 2005, op. cit., page 224</ref>.
La garde du trésor royal
Elle a débuté en 1146 lorsque Louis VII, en partance pour la deuxième croisade, avait décidé de laisser le trésor royal sous la garde du Temple de Paris. Par la suite, cela se développa, si bien que nombre de souverains firent confiance aux trésoriers de l'ordre. Cette pratique, qui ne mêlait en rien les activités financières du Temple et celles de la Couronne, prit fin durant le règne de Philippe IV Le Bel.
Une autre grande personnalité, Henri II d'Angleterre, avait laissé la garde du trésor au Temple. Par ailleurs, de nombreux Templiers de la maison d'Angleterre étaient également des conseillers royaux.
Le patrimoine des Templiers
L'ordre du Temple possédait principalement deux types de patrimoines bâtis : des monastères appelés commanderies situés en Occident et des forteresses situées au Proche-Orient et dans la péninsule ibérique.
La maison du Temple de Jérusalem
La maison du Temple à Jérusalem fut le siège central de l'ordre depuis sa fondation en 1129 jusqu'en 1187, date de la chute de la ville sainte reprise par Saladin. Le siège central fut alors transféré à Acre, ville portuaire du royaume de Jérusalem. À la perte de la ville par les chrétiens en 1291, le siège de l'ordre fut à nouveau transféré dans la terre chrétienne la plus proche, l'île de Chypre. C'est à Chypre que vivait Jacques de Molay, le dernier maître de l'ordre avant son retour en France pour y être arrêté. Le siège de l'ordre n'a jamais été installé en Occident.
Les forteresses orientales
Pour pallier la faiblesse de leurs effectifs, les croisés entreprirent la construction de forteresses dans les États latins d'Orient. Les Templiers ont participé à cet élan en faisant édifier pour leur besoin de nouveaux châteaux forts. Ils entreprirent également de reconstruire ceux qui avaient été détruits par Saladin vers 1187 et acceptèrent d'occuper ceux que les seigneurs d'Orient (ou d'Espagne) leur donnaient faute de pouvoir les entretenir. Certains d'entre eux permettaient de sécuriser les routes fréquentées par les pèlerins chrétiens autour de Jérusalem. Servant d'établissement à la fois militaire, économique et politique de l'ordre, la place forte représentait pour les populations musulmanes un centre de domination chrétienne<ref name="Demurgerp136">Alain Demurger, Chevaliers du Christ, 2002, Seuil, pages 136</ref>. Les Templiers occupèrent un nombre plus important de places fortes dans la péninsule ibérique afin de participer à la Reconquista.
Au XIIe siècle, après la chute de la ville de Jérusalem devant les forces de Saladin en 1187, les Templiers parvinrent à résister quelques mois dans certaines de leurs places fortes mais, peu à peu, en perdirent la plus grande partie<ref name="Demurgerp233">Demurger, 2005, op. cit, page 233</ref>.
Il fallut attendre l'issue de la troisième croisade, menée par les rois de France, d'Angleterre et l'empereur d'Allemagne, pour que les Templiers reconstituassent leur dispositif militaire en Terre sainte.
Au XIIIe siècle, dans le royaume de Jérusalem, les Templiers possédaient quatre forteresses : le château Pèlerin construit en 1217-1218, la forteresse de Safed reconstruite en 1240-1243, le château de Sidon et la forteresse de Beaufort tous deux cédés par Julien, seigneur de Sidon en 1260.
Dans le comté de Tripoli, ils disposaient du château de Tortose reconstruit en 1212, d'Arima et du Chastel Blanc.
Au nord, dans la principauté d'Antioche, les places fortes templières étaient Baghras (Gaston) récupérée en 1216, ainsi que Roche de Roissel et Roche-Guillaume qu'ils détenaient toujours, Saladin ayant renoncé à les conquérir en 1188.
Les forteresses ibériques
En 1143, Raymond Béranger IV, comte de Barcelone, demanda aux Templiers de défendre l'Église d'Occident en Espagne, de combattre les Maures et d'exalter la foi chrétienne. Les Templiers acceptèrent non sans réticence, mais se limitèrent à défendre et pacifier les frontières chrétiennes et à coloniser l'Espagne et le Portugal. Une nouvelle population chrétienne venait en effet de s'installer autour des châteaux donnés aux Templiers, la région étant pacifiée. La Reconquista fut une guerre royale. De ce fait, les ordres de chevalerie y étaient moins autonomes qu'en Orient. Ils devaient fournir à l'armée royale un nombre variable de combattants, proportionnel à l'ampleur de l'opération militaire en cours. Ainsi, les Templiers espagnols ont participé à la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212. Au Portugal, les Templiers ont pris part à la prise de Alcácer do Sal, en 1217, à la prise de Valencia en 1238, de Tarifa en 1292, à la conquête de l'Andalousie et du royaume de Grenade.
L'action de l'ordre du Temple dans la péninsule ibérique fut donc secondaire, car l'ordre tenait à privilégier ses activités en Terre sainte. Cependant, il possédait bien plus de places fortes dans la péninsule ibérique qu'en Orient. En effet, on dénombre au moins soixante-douze sites rien que pour l'Espagne et au moins six pour le Portugal (on compte seulement une vingtaine de places fortes en Orient). C'est également dans cette zone que l'on trouve les édifices qui ont le mieux résisté au temps (ou qui ont bénéficié de restaurations), comme par exemple les châteaux d'Almourol, Miravet, Tomar et Peniscola<ref name="Demurgerp249">Demurger, 2005, op. cit, page 249</ref>.