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Shoah

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Modèle:Antisémitisme Le terme Shoah (hébreu : השואה) désigne l'extermination par l'Allemagne nazie des trois quarts des Juifs de l'Europe occupée, soit les deux tiers de la population juive européenne totale et environ Modèle:Formatnum:40  % des Juifs du monde, pendant la Seconde Guerre mondiale — ce qui représente entre cinq et six millions de victimes selon les estimations des historiens. Ce génocide des Juifs constituait pour les nazis « la Solution finale à la question juive » (die Endlösung der Judenfrage).

L'extermination des juifs, cible principale des nazis, fut perpétrée par la faim dans les ghettos de Pologne et d'URSS occupées, par les fusillades massives des unités mobiles de tuerie des Einsatzgruppen sur le front de l'Est, au moyen de l'extermination par le travail forcé dans les camps de concentration, et dans les chambres à gaz des camps de la mort.

L'horreur de ce « crime de masse »<ref> « Comme le crime en question est aussi énorme que complexe, qu’il supposait la participation d’un grand nombre de personnes, à différents niveaux et de différentes manières — les auteurs des plans, les organisateurs, les exécutants, chacun selon son rang — il n’y a pas grand intérêt à faire appel aux notions ordinaires de conseils donnés ou sollicités dans l’accomplissement du crime. Car ces crimes furent commis en masse, non seulement du point de vue du nombre des victimes, mais aussi du point de vue de ceux qui perpétrèrent le crime et, pour ce qui est du degré de responsabilité d’un de ces nombreux criminels quel qu’il soit, sa plus ou moins grande distance par rapport à celui qui tuait effectivement la victime ne veut rien dire. Au contraire, en général le degré de responsabilité augmente à mesure qu’on s’éloigne de l’homme qui manie l’instrument fatal de ses propres mains. » Jugement de la Cour israélienne au terme du procès d'Adolf Eichmann, cité par Hannah Arendt in Eichmann à Jérusalem (Gallimard, 1966 ; Folio histoire traduction révisée 2002, p.431)</ref>, a conduit, après-guerre, à l'élaboration des notions juridiques de « crime contre l'humanité » et de « génocide », utilisé postérieurement dans d'autres contextes (génocide arménien, génocide des Tutsi, etc.).

L'extermination du peuple juif durant la Seconde Guerre mondiale se distingue toutefois par son caractère industriel, bureaucratique et systématique, qui la fait rester à l'heure actuelle unique dans l'histoire humaine. Paroxysme d'un antisémitisme européen à la très longue histoire, ce génocide a voulu éliminer radicalement la totalité d'une population qui ne représentait aucune menace militaire ou politique pour les bourreaux. Les femmes, les bébés ou les vieillards furent tout aussi systématiquement traqués et voués à la mort de masse que les hommes adultes. En particulier, quelque 1 500 000 enfants furent victimes de l'anéantissement<ref>Renée Neher-Bernheim, Histoire juive de la Révolution à l'Etat d'Israël, Seuil, 1992</ref>.

L'extermination physique des Juifs fut aussi précédée ou accompagnée de leur spoliation systématique (aryanisation) et de la destruction d'une part considérable de leur patrimoine culturel ou religieux.

Le Troisième Reich, qui prétendait durer mille ans, a aussi exterminé en masse les Tziganes (Porajmos), les homosexuels allemands, les handicapés mentaux (beaucoup de maîtres-d'œuvres de l’"euthanasie" étant ensuite affectés au gazage massif des Juifs). Il a assassiné dans ses prisons et ses camps de concentration les Témoins de Jéhovah, les franc-maçons, les esperantophones, les dissidents politiques et les résistants de toute l'Europe en général, en particulier les communistes.

Le terme « Shoah », néanmoins, se réfère plus particulièrement au génocide des juifs, et à sa spécificité radicale, amplement établie par l'historiographie et intégrée par la conscience contemporaine depuis sa redécouverte dans les années 1970.

Sommaire

Origine du mot Shoah

Shoah est un mot hébreu qui signifie "anéantissement", mais aussi "cataclysme", "catastrophe"<ref>voir Le Monde du 19 février 2005</ref>. On le préfère en général à « Holocauste » impropre, bien que répandu, car très connoté religieusement celui-ci signifiant dans la Bible « sacrifice en l'honneur de Dieu », ne laissant subsister aucune trace de la victime.

Elie Wiesel le conteste autant qu'« holocauste » même s'il l'emploie également. Dans ses entretiens avec Michaël de Saint Cheron, en 1988, il dit lui préférer le terme hourban, qui, dans la littérature yiddish portant sur l'événement, signifie également « destruction » et se réfère à celle du Temple. Par leur origine, ces trois termes soulignent la spécificité juive de l'événement<ref>Vincent Engel dans « Holocauste, Shoah ou judéocide ? » - Le Nouvel Observateur Hors-Série de janvier 2003 - décembre 2004</ref>.

La Shoah est un génocide, terme initialement formé en 1944 par le juriste Raphaël Lemkin afin de désigner l'extermination des Juifs d'Europe. Le terme de « judéocide » est également employé, notamment par l'historien Arno J. Mayer dans La Solution finale dans l'histoire.

Shoah est aussi le titre d'un film documentaire de neuf heures trente réalisé en 1985 par Claude Lanzmann et portant sur la Shoah. Composé de témoignages, ce film est exempt de tout document d'archives. Il évoque les événements avec une précision verbale implacable et montre aussi l'actualité toujours vivace du danger antisémite. C'est ce film qui a imposé en français l'usage du nom Shoah après le choix du réalisateur pour le mot hébreu qu'on trouvait déjà, par exemple, dans le texte hébreu de la Déclaration d'Indépendance de l'État d'Israël de 1948. Claude Lanzmann justifie dans son film le titre de la façon suivante : « Si j’avais pu ne pas nommer ce film, je l’aurais fait. Comment aurait-il pu y avoir un nom pour nommer un événement sans précédent dans l’histoire ? Je disais “la chose”. Ce sont des rabbins qui ont trouvé le nom de Shoah. Mais cela veut dire anéantissement, cataclysme, catastrophe naturelle. Shoah, c’est un mot hébreu que je n’entendais pas, que je ne comprends pas. C’est un mot court, infracassable. Un mot opaque que personne ne comprendra. Un acte de nomination radicale. Un nom qui est passé dans la langue, sauf aux États-Unis<ref>http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-01-22/2005-01-22-455189</ref>. »

La Shoah comme processus

L'analyse de Raul Hilberg

Dans La Destruction des Juifs d'Europe, Raul Hilberg analyse la Shoah comme un processus, dont les étapes sont la définition des Juifs, leur expropriation, leur concentration, et enfin leur destruction. La première étape est codifiée par les lois dites de Nuremberg, en 1935, qui elles-mêmes venaient après une série de mesures discriminatoires prises à partir de 1933. Les Juifs sont définis par la législation nazie selon la religion de leurs ascendants et leur propre confession. Toute personne ayant trois ou quatre grands-parents juifs est considérée comme juive. Une personne ayant deux grands-parents juifs est considérée également comme juive si elle est elle-même de religion israélite, ou si elle est mariée à une personne de cette confession. Si tel n'est pas le cas, où si la personne n'a qu'un seul grand-parent juif, elle est rangée dans une catégorie spécifique, les Mischlinge, qui fait l'objet de discriminations, mais pas aussi dures que celles subies par les Juifs et qui, en général, n'est pas concernée par la suite du processus de destruction.

L'expropriation prend la forme de très fortes incitations sur les Juifs à vendre les grandes entreprises qu'ils possèdent (aryanisation), puis, à partir de 1938, de ventes légalement forcées. Ce procédé est ensuite employé par certains satellites de l'Allemagne, comme la France de Vichy.

La concentration des Juifs du Reich, de Pologne, puis des territoires occupés en URSS s'est faite à partir de 1938, dans des ghettos.

L'extermination est décidée dans le courant de l'année 1941. Sans doute vers la fin de l'été, Adolf Eichmann est convoqué dans le bureau de Reinhard Heydrich, qui lui dit : « Je sors de chez le Reichsführer Heinrich Himmler ; le Führer Adolf Hitler a maintenant ordonné l'extermination physique des Juifs<ref>Adolf Eichmann, Ich, Adolf Eichmann, p. 178-179, cité dans Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, éd. Gallimard, 2006, tome II, p. 726</ref>. »

Pour M. Hilberg, la Shoah est un crime de bureaucrates, qui passent d'une étape à l'autre, minutieusement, logiquement, mais sans plan préétabli. Cette analyse a été approuvée par les autres spécialistes de la Shoah, mais le moment où l'intention exterminatrice apparaît fait l'objet de débats.

La genèse de la décision

Dans les années 1980 surtout, la discussion a opposé intentionnalistes et fonctionnalistes. Pour les premiers, l'intention d'exterminer les Juifs d'Europe a précédé la déclaration de guerre. C'est le cas, notamment, de Léon Poliakov, de Saul Friedländer, d'Eberhard Jäckel, de Lucy S. Dawidowicz, ou de Daniel Jonah Goldhagen. Ils s'appuient sur plusieurs textes de Hitler, notamment des lettres de 1919 et 1920<ref>« L’antisémitisme fondé sur des motifs purement sentimentaux, trouvera son expression ultime sous forme de pogroms. L’antisémitisme selon la raison doit, lui, conduire au combat législatif contre les privilèges des Juifs et à l’élimination de ces privilèges… Son but ultime doit, immuablement, être l’élimination des Juifs en général. » (lettre du 16 septembre 1919, Adolf Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen. 1905-1924, textes édités par Eberhard Jäckel et Axel Kuhn, Stuttgart, 1980, Doc 61, p. 88 et sqq., passage cité dans G. Miedzianagora et G. Jofer, Objectif extermination, Frison Roche édition, 1994, p. 13) ; « Le Juif en tant que ferment de décomposition (selon Mommsen) n’est pas à envisager comme individu particulier, bon ou méchant, [il est] la cause absolue de l’effondrement intérieur de toutes les races, dans lesquelles il pénètre en tant que parasite. Son action est déterminée par sa race. Autant je ne peux faire reproche à un bacille de tuberculose, à cause d’une action qui, pour les hommes signifie la destruction, mais pour lui la vie, autant suis-je cependant obligé et justifié, en vue de mon existence personnelle, de mener le combat contre la tuberculose par l’extermination de ses agents. Le Juif devient et devint au travers des milliers d’années en son action une tuberculose de race des peuples. Le combattre signifie l’éliminer. » (lettre du 3 juillet 1920, Hitler, op. cit., Doc 116, p. 15, cité dans G. Miedzianagora et G. Jofer, op. cit., p. 14). Voir aussi Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, éd. Hachette, p. 39 et sqq.</ref>, des passages de Mein Kampf<ref>En particulier celui-ci : « Si l'on avait, au début et au cours de la guerre, tenu une seule fois douze ou quinze mille de ces Hébreux corrupteurs du peuple sous les gaz empoisonnés que des centaines de milliers de nos meilleurs travailleurs allemands de toute origine et de toutes professions ont dû endurer sur le front, le sacrifice de millions d'hommes n'eût pas été vain. Au contraire, si l'on s'était débarrassé à temps de ces quelques douze mille coquins on aurait peut être sauvé l'existence d'un million de bons et braves Allemands pleins d'avenir. » (Adolf Hitler, Mon combat, Nouvelles éditions latines, 1934, p. 677-67Image:Cool.gif</ref>, ou le discours du 30 janvier 1939, selon lequel une nouvelle guerre mondiale conduirait à « l'anéantissement de la race juive en Europe »<ref>Eberhard Jäckel, Hitler idéologue, éd. Gallimard, coll. « Tel », 1995, p. 83</ref>.

En opposition à cette thèse, plusieurs historiens, en particulier Martin Broszat, Arno J. Mayer et Philippe Burrin, pensent que les nazis n'avaient pas choisi la Solution finale avant 1941. L'antisémitisme extrême des nazis est, d'après cette thèse, la condition nécessaire de la Shoah plutôt que sa cause directe. Les nazis auraient décidé d'exterminer seulement après que l'invasion de la Pologne et de l'URSS ont placé des masses considérables de Juifs sous leur autorité, et après une émulation au sein de la « polycratie nazie » (Martin Broszat).

Dans les années 1990 et 2000, d'autres historiens, tels Ian Kershaw, ont tenté de dépasser ce débat<ref>Dominique Vidal, Les Historiens allemands relisent la Shoah, éd. Complexe, 2002</ref>.

En tout état de cause, l'extermination elle-même s'est faite selon deux modalités principales : à l'est des frontières allemandes, les Juifs ont été tués sur place, dans des ghettos ou par des unités mobiles de tuerie ; au sud et à l'ouest, ils ont été déportés vers des centres de mise à mort, les camps d'extermination.

L'extermination des Juifs d'Europe orientale

Les ghettos

Après l'invasion allemande de la Pologne, les Juifs de ce pays sont contraints de vivre dans des quartiers clos, les ghettos. Les conditions de vie y sont nettement plus dures que dans les ghettos du Reich, pour trois raisons. D’abord, les responsables de la concentration des Juifs en Pologne sont, souvent, des membres de la NSDAP, et non, comme en Allemagne, des fonctionnaires sans affiliation partisane. Ensuite, les Polonais juifs représentent ce qu’il y a de plus méprisable dans la mythologie nazie, et sont les plus persécutés dès avant la guerre. Enfin, les Juifs étaient beaucoup plus nombreux numériquement et proportionnellement, en Pologne (3,3 millions, dont deux millions dans la zone allemande, sur 33 millions d’habitants dans tout le pays) qu’en Allemagne<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 331/334</ref>. Les Juifs de l’Ancien Reich (frontières de 1937) sont également déportés vers les ghettos de Pologne, à partir de 1940.

Les premiers ghettos sont édifiés dans la partie de la Pologne « incorporée » au Reich, pendant l’hiver 1939-1940, puis dans le Gouvernement général, partie de la Pologne administrée par Hans Frank. La ghettoïsation est achevée pour l’essentiel au cours de l’année 1941, et complètement terminée en 1942<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 394/395</ref>.

À l’intérieur même du ghetto, les mouvements des Juifs sont limités : ils doivent rester chez eux de sept heures du soir à sept heures du matin. La surveillance extérieure est assurée par la Police régulière, et la surveillance intérieure par la Police de sûreté (Gestapo et Kripo), elle-même renforcée par la Police régulière, à la demande de cette dernière<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 398/399</ref>.

Dès le 26 octobre 1939, le principe du travail forcé pour les Juifs de Pologne est adopté<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 448</ref>. Les Juifs sont décimés par la malnutrition, les épidémies — notamment de typhus, de tuberculose, de grippe —, et la fatigue consécutive au travail que leur imposent les autorités allemandes. Par exemple, le ghetto de Lodz, qui compte Modèle:Formatnum:200,000 habitants à l’origine, compte plus de Modèle:Formatnum:45,000 morts jusqu’en août 1944<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 481/487</ref>.

À partir de décembre 1941, les survivants des ghettos sont déportés vers les centres de mise à mort. Les premiers sont les Juifs du Wartheland, envoyés à Chelmno. En mars 1942, ceux de Lublin sont envoyés à Belzec. À partir de juillet, le ghetto de Varsovie commence à être vidé<ref>Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 647/648</ref>.

Les unités mobiles de tuerie

Image:Searchtool.svg Article détaillé : Einsatzgruppen.

Le 13 mars 1941, pendant les préparatifs de l'invasion de l'URSS, le feldmaréchal Keitel rédige une série d'« ordre pour les zones spéciales » :

« Dans la zone des opérations armées, au Reichsführer SS Himmler seront confiées, au nom du Führer, les tâches spéciales en vue de préparer le passage à l’administration politique — tâche qu'impose la lutte finale qui devra se livrer entre deux systèmes politiques opposés. Dans le cadre de ces tâches, le Reichsführer SS agira en toute indépendance et sous sa propre responsabilité<ref>Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, éd. Hachette, 1977, p. 197.</ref>. »

En termes clairs, il est décidé que des unités mobiles du RSHA, les Einsatzgruppen, seraient chargées d'exterminer les Juifs — ainsi que les Tziganes, les cadres communistes, voire les handicapés et les homosexuels.

Ce passage aurait été dicté par Adolf Hitler en personne<ref>Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 198.</ref>.

Pendant les premières semaines, les membres des Einsatzgruppen, inexpérimentés en matière d'extermination, ne tuent que les hommes juifs. À partir d'août, les autorités centrales clarifient leurs intentions, et les Juifs sont assassinés par familles entières. Les Einsatzgruppen se déplacent par petits groupes, les Einsatzkommandos, pour massacrer leurs victimes. Ils se placent le plus près possible des lignes de front, quitte à revenir vers l'arrière après avoir massacré leurs premières victimes. C'est le cas, par exemple, de l’Einsatzgruppe A, qui s’approche de Leningrad avec les autres troupes, puis se replie vers les pays baltes et la Biélorussie, détruisant, entre autres, les communautés juives de Liepaja, Riga, Kaunas (en treize opérations successives) et Vilnius (en quatorze attaques)<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome I, p. 521/522.</ref>.

Lorsque les tueurs estiment que l’extermination prendra du temps, ils font créer des ghettos pour y parquer les survivants, en attendant leur élimination. Mais dans plusieurs cas, cette création n’est pas nécessaire, notamment à Kiev : trente-trois mille Juifs sont assassinés en quelques jours, près de Babi Yar<ref>Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 653/654</ref>.

Ils sont assistés par une partie de la Wehrmacht. Dans bien des cas, les soldats raflent eux-mêmes les Juifs pour que les Einsatzkommados les fusillent, participent eux-mêmes aux massacres, fusillent, sous prétexte de représailles, des Juifs. Ainsi, à Minsk, plusieurs milliers de « Juifs, criminels, fonctionnaires soviétiques et Asiatiques » sont rassemblés dans un camp d’internement, puis assassinés par des membres de l'Einsatzgruppe B et de la Police secrète de campagne<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome I, p. 524/542.</ref>. Leur action est complété par des unités formées par les chefs de la SS et de la Police, ou plus rarement par la seule Gestapo. C’est le cas, notamment, à Memel (plusieurs milliers de victimes), Minsk (Modèle:Formatnum:2,278 victimes), Dniepropetrovsk (quinze mille victimes) et Riga<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome I, p. 525/534.</ref>. Des troupes roumaines participent également aux fusillades (voir ci-dessous).

Les Einsatzgruppen s’efforcent de susciter des pogromes locaux, à la fois pour diminuer leur charge de travail et pour impliquer une part maximale de la population locale dans l’anéantissement des Juifs. Les bureaucrates du RSHA et les commmandants de l’armée ne souhaitent pas que de telles méthodes soient employées, les uns parce que ces formes de tueries leur paraissent primitives, et donc d’une efficacité médiocre par rapport à l’extermination soigneuse des Einsatzgruppen ; les autres parce que ces pogromes font mauvais effet. Les pogromes ont donc lieu, principalement, dans des territoires où le commandement militaire était encore mal assuré de son autorité : en Galicie et dans les pays baltes, tout particulièrement en Lituanie. En quelques jours, des Lituaniens massacrent Modèle:Formatnum:3,800 Juifs à Kaunas. Les Einsatzgruppen trouvent une aide plus importante et plus durable en formant des bataillons auxiliaires dans la population locale, dès le début de l’été 1941. Ils ont été créés, pour la plupart, dans les pays baltes et en Ukraine. L’Einsatzkommando 4a (de l’Einsatzgruppe C) décidé ainsi de ne plus fusiller que les adultes, les Ukrainiens se chargeant d’assassiner les enfants. Quelquefois, la férocité des collaborateurs locaux effraie jusqu’aux cadres des Einsatzgruppen eux-mêmes. C’est le cas, en particulier, des membres de l’Einsatzkommando 6 (de l’Einsatzgruppe C), « littéralement épouvantés par la soif de sang » » que manifeste un groupe d’« Allemands ethniques » ukrainiens<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome I, p. 553/563.</ref>.

Le recrutement en Ukraine, Lituanie et Lettonie est d’autant plus facile qu’un fort antisémitisme y sévissait avant la guerre — à la différence de l’Estonie, où la haine des Juifs était presque inexistante<ref>Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 650/653</ref>.

À partir de la fin 1941, une partie des Einsatzgruppen utilise des camions à gaz de préférence à la fusillade, pour exterminer les Juifs.

Selon le tribunal de Nuremberg, environ deux millions de Juifs ont été assassinés par les unités mobiles de tuerie — une estimation reprise à son compte par Lucy S. Dawidowicz<ref>Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 209</ref>. Raul Hilberg compte de son côté 1,4 millions de victimes, et Léon Poliakov un million et demi, mais cette fois pour la seule URSS<ref name="Poliakov526">Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme, éd. du Seuil, 1993, tome II, p. 526.</ref>.

L'extermination des Juifs d'Europe occidentale et balkanique

Le processus de déportation

Le 29 novembre 1941, Reinhard Heydrich convoque plusieurs Staatssekretäre et chefs de bureaux SS à Wannsee, faubourg de Berlin. La réunion est prévue pour le 9 décembre, puis reportée au 20 janvier 1942, en raison de l’attaque japonaise contre Pearl Harbor. Le rapporteur est Adolf Eichmann. Heydrich dresse un tableau statistique des Juifs d’Europe, y compris ceux vivant dans des pays neutres (Irlande, Suède, Suisse Turquie) et au Royaume-Uni. Il annonce ensuite que les Juifs d’Europe occidentale doivent être déportés en Pologne, puis organisés en colonnes de travail. Une partie « s’éliminera tout naturellement par son état de déficience physique » et le reste devra être « traité en conséquence »<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome II, p. 730/732 et Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 220/225</ref>.

Deux administrations allemandes assurent la déportation des Juifs d'Europe occidentale vers les centres de mise à mort : le bureau IV-B-4 du RSHA, dirigé par Adolf Eichmann, et le ministère des Transports. Eichmann et ses collaborateurs s'occupent de l'ensemble du processus dans le Reich, le protectorat de Bohême-Moravie et en Pologne. Dans les pays satellites et les territoires occupés, Eichmann envoie des « experts pour les affaires juives », auprès des ambassades ou chefs des SS et de la police<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome II, p. 737/738</ref>.

Dès les premières déportations, au printemps 1942, et jusqu'à l'interruption de la Solution finale par Himmler, en novembre 1944, les convois de Juifs sont prioritaires, au même titre, si ce n'est davantage encore, que les convois militaires<ref>Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 228/232</ref>.

Déportations depuis l'Allemagne et les territoires occupés

Les Juifs du Reich sont les premiers à être déportés. Seuls les Juifs des mariages mixtes et la majorité des Mischlinge échappent au transport vers les camps : la déportation des premiers risquerait, par le scandale provoqué, de compromettre la déportation des autres, largement majoritaires ; quant aux seconds, les nazis ne parviennent pas à se mettre d’accord pour les ranger dans la même catégorie que les Juifs<ref>Raul Hilberg, op. cit., p. 753/777</ref>.

En Pologne, Modèle:Formatnum:2,200,000 Juifs sont encore vivants à l’hiver 1941-1942. La plupart sont envoyés vers les camps de Chelmno, Treblinka, Sobibor, Belzec et Auschwitz. Ni les Juifs des mariages mixtes, ni les anciens combattants, ni même les Mischlinge ne sont épargnés ; la peine de mort est prévue pour les Polonais qui seraient surpris à entraver le processus de déportation ou à cacher des Juifs<ref>Raul Hilberg, op. cit., tome II, p. 890/891</ref>. En Galicie, les Juifs sont anéantis par déportation, mais aussi par fusillade, notamment des personnes les plus faibles<ref>Raul Hilberg, op. cit., tome II, p. 904</ref>.

Aux Pays-Bas, les Juifs sont pris dans un piège. À l’est, se trouve le Reich, au sud, la Belgique sous administration militaire, et à l'ouest, la mer. Le pays, densément peuplé, offre peu de possibilités de se cacher, et la majorité des Néerlandais juifs sont des citadins. L’administration civile allemande montre un zèle tout particulier à déporter les Juifs, sous l’impulsion du Reichskommissar Seyss-Inquart, qui fait adopter, dès le 22 octobre 1940, un statut des Juifs identique à celui établi par les lois de Nuremberg, puis fait procéder rapidement aux aryanisations et à la concentration des Juifs, du moins ceux d’Amsterdam. Si le gouvernement néerlandais part en exil au moment de l’invasion, il laisse des secrétaires généraux. Ceux-ci, sans cacher leur réticence mais sans adopter une politique d’obstruction, se plient aux exigences de l'occupant et font participer la police néerlandaise à l'arrestation des Juifs. Au total, plus de cent mille d'entre eux sont déportés (la plupart vers Auschwitz et Sobibor) et un peu plus de quatre mille survivent. Par ailleurs, deux mille Juifs sont morts dans les camps de transit de Vught et Westerbok. Une grève générale éclate en février 1941 pour protester contre la législation antisémite, mais celle-ci est rapidement matée. Par la suite, aucune action spectaculaire n’est entreprise en faveur des Juifs. La résistance néerlandaise mène cependant plusieurs actions pour en cacher<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 1045/1100</ref>.

Le Luxembourg est quasi annexé et confié au Gauleiter Simon. Celui-ci fait appliquer le statut de Nuremberg, aryanise et concentre les Juifs avec presque autant de célérité que Seyss-Inquart. Cette politique agressive fait fuir la majorité des israélites. Sur environ Modèle:Formatnum:3,100 Juifs présents en 1940, seuls 800 sont encore présents en juillet 1941. Ils sont déportés dès le mois d’octobre, d’abord vers le ghetto de Lodz (il n'existe pas encore de centre de mise à mort), puis vers celui de Lublin, et les autres à Auschwitz<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 1100/1105</ref>.

C’est également avec célérité que les Juifs de Belgique sont identifiés et expropriés. Modèle:Formatnum:25,000 d'entre eux sont déportés vers Auschwitz. Plus de Modèle:Formatnum:40,000 sont cachés par des familles belges, ou fuient vers la France<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 1105/1122</ref>.

La Grèce est partagée entre l’Allemagne, l’Italie et la Bulgarie, ses alliées. La politique antisémite commence à y sévir le 13 juillet 1942, quand six à sept mille juifs, âgés de dix-huit à quarante-huit ans, sont astreints au travail forcé, dans des conditions particulièrement pénibles (marais infestés par des moustiques, mines de chrome), d'où un taux de mortalité de Modèle:Formatnum:12  %. Une partie des autres israélites fuit vers la zone italienne, où les autorités refusent catégoriquement d'assister les Allemands dans leur persécution antisémite. En janvier 1943, le bras droit d’Eichmann, Günther, se rend personnellement sur place pour organiser les déportations, qui ont lieu de février à août. Elles concernent Modèle:Formatnum:46,000 Juifs (sur Modèle:Formatnum:55,000), dont Modèle:Formatnum:45,000 sont envoyés à Auschwitz et les autres (étrangers ou particulièrement utiles à l'industrie) à Bergen-Belsen. En octobre, l’effondrement du régime de Benito Mussolini prive les Juifs résidant en zone italienne de leur protection. Une quizaine de milliers d'autres sont déportés en 1944, en comptant ceux de Rhodes. Dès le 3 de ce mois, le général SS Jürgen Stroop pormulgue une législation antisémite pour l'ensemble de la Grèce. Tout Juif qui ne viendrait pas se faire recenser avant le 8 serait fusillé, et tout Grec qui aiderait un Juif subirait le même sort<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 1284/1314 et Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 641</ref>.

En Norvège, les nazis et le gouvernement fantoche de Vidkun Quisling se heurtent à une résistance farouche, aussi bien contre l’occupation du pays que contre la déportation des Juifs, pour la plupart de nationalité norvégienne et parfaitement assimilés. Sur environ Modèle:Formatnum:1,800 Juifs vivant dans le pays en 1939, 930 échappent à la déportation en fuyant vers la Suède, qui les accueille volontiers et entreprend même plusieurs démarches pour en sauver un maximum<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 1016/1025</ref>. Environ 800 Juifs sont déportés, en grande majorité vers Auschwitz, les autres vers des camps de concentration<ref>Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, éd. Hachette, 1977, p. 599</ref>. Les autres survivent en se cachant.

La résistance est encore plus efficace au Danemark, notamment parce que l'occupant permet aux Danois de garder, jusqu’en 1943, un gouvernement autonome et dénué de toute sympathie pour le nazisme ou une forme quelconque de dictature. Dans la nuit du 1er au 2 octobre 1943, la police allemande tente de rafler, en une fois, les six mille Juifs vivant dans le pays. Elle ne parvient à en arrêter que 477, les autres étant cachés par leurs compatriotes, puis acheminés vers la Suède. Quelques dizaines de Juifs supplémentaires sont arrêtés avant d'arriver dans ce pays neutre. La plupart des Juifs déportés sont envoyés à Theresienstadt, et non dans un centre de mise à mort<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 1025/1045</ref>. Cinquante sont décédés, de mort naturelle<ref>Lucy S. Dawidowicz, op. cit., p. 603</ref>.

La déportation dans les pays satellites

Satellites coopératifs

En Slovaquie, le régime de Mgr Jozef Tiso choisit résolument la collaboration, y compris en matière d'antisémitisme, ce qui lui vaut d'être classé par Raul Hilberg comme l'un des « satellites par excellence », au même titre que la Croatie des Oustachis (voir ci-dessous le cas particulier de ce territoire). Alors que la Slovaquie n'était encore qu'autonome, une commission prônait un statut des Juifs, appliqué après l'indépendance (avril 1939). Dès août 1940, le gouvernement slovaque crée le Bureau central de l'économie qui, contrairement à ce que son nom semble indiquer, s'occupe uniquement de la politique antisémite, et pas seulement dans le domaine économique. Mais les Allemands ne sont pas entièrement satisfaits, car ce régime, fasciste et catholique à la fois, ne persécute « que » les personnes de confession israélites, les Mischlinge libres-penseurs et les personnes converties après le 30 octobre 1918. En septembre 1941, le Code juif, qui ne compte pas moins de trois cents articles, refond la législation antisémite, avec une définition du Juif encore plus dure que celle des lois nazies. Les aryanisations et l'exclusion des Juifs des professions libérales suit ce code, mais avec certaines difficultés dues à la situation locale (par exemple, la majorité des médecins exerçant en 1939 sont des Juifs). Le marquage et la concentration sont entrepris sans zèle, mais sans mauvaise volonté non plus. L'initiative de la déportation revient, non aux nazis, mais aux dirigeants slovaques, soucieux de se débarrasser au plus vite des Juifs, à la seule condition que les évacuations se déroulent dans des conditions relativement acceptables pour l'épiscopat. La loi de déportation de mai 1942 exempte les personnes converties avant mars 1939. D'ailleurs, les clercs catholiques ne manifestent pas de volonté particulière de sauver les Juifs, et refusent même d'accorder des baptêmes de complaisance. Après l'effondrement de l'État slovaque, à l'été 1944, les déportations s'accélèrent. Au total, Modèle:Formatnum:70,000 Juifs sont déportés, dont Modèle:Formatnum:65,000 morts dans les camps<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome II, p. 1331/1377</ref>.

En France, la situation est un peu plus complexe. Le nord, l'est et le littoral atlantique sont soumis à un régime d'administration militaire comparable à celui de la Belgique. Le sud est, jusqu'en novembre 1942, du seul ressort du régime de Vichy. Celui-ci adopte une politique antisémite autonome, dès 1940, avec le premier (octobre 1940) puis le second (juin 1941) statut des Juifs. Son but est d'abord l'émigration d'un maximum de Juifs<ref>Michael Marrus et Robert O. Paxton, Vichy et les Juifs, Librairie générale française, 1990, p. 163/168 et 431/438</ref>. Au printemps 1942, la politique se durcit. Louis Darquier de Pellepoix, lié aux nazis depuis la fin des années 1930, succède à Xavier Vallat comme commissaire général aux Questions juives. Pierre Laval, très favorable à la collaboration, succède à l'amiral Darlan, collaborateur moins enthousiaste. Au mois de février, le général Otto von Stülpnagel, opposé à la politique des otages et des représailles (qui vise particulièrement les Juifs) est remplacé. Surtout, les opérations de police passent du commandement militaire au RSHA et aux SS, sous l'autorité de Carl Albrecht Oberg<ref name="MMetRP306-308">Michael Marrus et Robert O. Paxton, op. cit., p. 306/308</ref>. Le premier convoi de Juifs part le 27 mars 1942 de Drancy, pour Auschwtiz<ref>Michael Marrus et Robert O. Paxton, op. cit., p. 319</ref>. Le 4 juillet, le gouvernement de Vichy fait savoir à la Gestapo parisienne qu'il « souscrit à la déportation, pour commencer, de tous les Juifs apatrides des zones occupées et non occupées<ref>Michael Marrus et Robert O. Paxton, op. cit., p. 328</ref> ». La police française participe aux rafles, qui s'étendent rapidement aux Juifs de nationalité française. Le seul refus manifesté par Vichy concerne la dénaturalisation des Juifs de nationalité française<ref name="MMetRP306-308" />. Modèle:Formatnum:75,721 sont ainsi déportés, dont Modèle:Formatnum:2,500 reviennent des camps. Par ailleurs, trois mille Juifs meurent dans les camps d'internement, la plupart entre 1940 et 1942<ref>Michael Marrus et Robert O. Paxton, op. cit., p. 252 et 473</ref>.

Satellites non coopératifs

En Italie, la petite communauté juive était parfaitement assimilée. Sur cinquante mille Juifs, dix mille sont inscrits au Parti national fasciste au début des années 1930. Toutefois, le régime mussolinien se dote d'une législation antisémite, avec les lois de 1938 et 1939. Pour autant, il refuse de déporter ses Juifs, et les troupes italiennes, en France et en Grèce, s'opposent à toute déportation. Le renversement de Mussolini et l'invasion allemande transforme l'allié en fantoche. Le RSHA est désormais résolu à rattraper le temps perdu. Au total, Modèle:Formatnum:7,500 Juifs d'Italie sont déportés vers Auschwitz. 800 survivent<ref>Raul Hilberg, op. cit., p. 1223/1259</ref>.

La Hongrie du contre-amiral Miklos Horthy se dote d'une législation antisémite dès la fin des années 1930, avec les lois de 1938 et 1939, d'inspiration plus catholique que nazie. La loi de 1941, par contre, redéfinit le Juif en des termes similaires, sinon plus durs, que les lois de Nuremberg. Modèle:Formatnum:17,000 Juifs apatrides sont fusillés ou déportés dans la Ruthénie annexée, en août 1941. Mais pour autant, le régime d'Horthy n'entend pas déporter les Juifs de Hongrie même, malgré les pressions de Berlin. C'est seulement en mars 1944, lorsque les troupes allemandes envahissent le pays et impose un gouvernement pronazi, que la déportation devient possible. Bien que la guerre soit manifestement perdue et que personne, tant parmi les futures victimes que parmi les témoins, ne se fasse d'illusion sur le sort des déportés, les Juifs sont acheminés vers Auschwitz. Les nazis n'ont pas le temps de déporter la plupart des Juifs de Budapest, mais ceux-ci subissent d'effroyables conditions de vies dans le ghetto, jusqu'à la libération de la ville<ref>Raul Hilberg, op. cit., p. 1482/1893</ref>.

La Bulgarie adopte une législation antisémite à partir de novembre 1940, sur des critères religieux plutôt que raciaux. Elle accepte de déporter uniquement les Juifs des territoires conquis pendant la guerre, et non ceux qui vivent dans les frontières de 1939. Ceux-ci sont cependant spoliés d'une partie de leurs biens et, souvent, contraints au travail forcé. Le 30 août 1944, peu avant l'arrivée des troupes soviétiques, l'ensemble de la législation antisémite est abrogée<ref>Raul Hilberg, op. cit., p. 1378/1404</ref>.

En juin 1941, la Finlande s'allie à l'Allemagne contre l'URSS. Mais elle n'est pas occupée par les troupes allemandes, et refuse de déporter ses deux mille Juifs, bien qu'Heinrich Himmler vienne personnellement à Helsinki pour demander au gouvernement finlandais de rectifier sa position<ref>Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 603/604</ref>.

Les camps

En 1940, Oswald Pohl crée un bureau autonome dans l’appareil SS, l’Hauptamt Haushalt und Bauten et l’Hauptamt Verwaltung und Wirtschaft (Office central d’administration et d’économie). Il regroupe ces deux organismes en février 1942, sous le nom de Wirtschafts-Verwaltunghauptamt (WVHA, Office central économique et administratif). Le mois suivant, Pohl intègre l’inspection générale des camps dans le WVHA<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., tome III, p. 1600/1602</ref>.

Près de 6 000 camps d'extermination, de concentration ou de travail ont été installés en Pologne en septembre 1939, soit la moitié des camps éparpillés à travers l'Europe sous la coupe de l'Allemagne nazie. Sur 7,5 millions de personnes enfermées dans ces camps en territoire polonais, environ 6,7 millions ont péri dans des chambres à gaz ou sont mortes d'épuisement, de faim, de maladies, de travail exténuant, de tortures et de brutalités, selon les sources polonaises.[réf. nécessaire]

Selon Edwin Black, l'emploi silencieux de la technologie de la mécanographie et des cartes perforées Hollerith par la Dehomag a grandement facilité ces exterminations.

En 2005, une cérémonie a été organisée pour le soixantième anniversaire de la libération des camps en présence des derniers survivants et de nombreuses personnalités du monde entier.

Les centres de mise à mort

Les centres de mise à mort (couramment appelés camps d’extermination) sont la manifestation la plus nette de l’originalité de la Shoah. Ils sont le seul exemple, dans l’histoire humaine, d’installations vouées entièrement au meurtre « à la chaîne »<ref>« Le fait le plus frappant, dans les opérations du centre de mise à mort, c’est que, à la différence des phases préliminaires du processus de destruction, elles n’avaient aucun précédent. Jamais, dans toute l’histoire de l’humanité, on avait ainsi tué à la chaîne. Le centre de mise à mort […] n’a aucun protoptype, aucun ancêtre administratif. » (Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., tome III, p. 1596)</ref>.

Le premier centre de mise à mort est celui de Kulmhof, ou Chełmno, construit en décembre 1941 sur le Ner en polonais, situé dans le centre. Il a fonctionné jusqu'en 1943 et de 1944 à 1945. Chełmno représente une transition entre les opérations mobiles de gazages, par les Einsatzgruppen (voir ci-dessus) et les troupes de Serbie (voir ci-dessous) : l’installation d’assassinat est fixe, mais ce sont encore des camions à gaz. Parmi les victimes, les Juifs du ghetto de Łódź, distant de 70 kilomètres. Ont suivi dès 1942 ceux de Belzec et Sobibor, dans l'est de la Pologne, à la frontière ukrainienne d'aujourd'hui. L’activité exterminatrice cesse en septembre 1942, et reprend pendant les mois de juillet et août 1944. Au total, plus de Modèle:Formatnum:150,000 Juifs (Polonais du Wartheland, Allemands déportés au ghetto de Lodz) ont péri<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., tome III, p. 1607/1608 et 1654. La Commission polonaise des crimes de guerre a compté un total de Modèle:Formatnum:250,000 victimes, chiffre repris à son compte par Lucy S. Dawidowicz. Le chiffre de Modèle:Formatnum:150,000 a été retenu, lui, par le tribunal de Bonn qui jugea une douzaine de SS ayant été affectés au camp de Chelmno (Léon Poliakov, Histoire de l’antisémitismeéd. du Seuil, 1993, tome II, p. 513).</ref>.

Le site de Belzec est choisi en octobre 1941. Le camp est construit de novembre 1941 à février 1942. Au total, Modèle:Formatnum:434,508 Juifs y sont assassinés, essentiellement par gazage au monoxyde de carbone, selon les estimations de Raul Hilgerg — un peu moins de Modèle:Formatnum:600,000, selon Lucy S. Dawidowciz<ref>Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., 241.</ref>. Les victimes sont essentiellement des Juifs polonais et allemands, venus de Galicie, de Cracovie et de Lublin<ref name="Hilberg1614-1616et1654">Raul Hilberg, op. cit., tome III, p. 1614/1616 et 1654.</ref>.

Le centre de Sobibor est bâti en mars-avril 1942. Les nazis exterminent plus de Modèle:Formatnum:150,000 Juifs, d’avril à juin 1942, puis d’octobre 1942 à octobre 1943. Les victimes sont déportées depuis Lublin, les Pays-Bas, la Slovaquie, la Bohême-Moravie (« protectorat » du Reich), et une petite partie depuis la France<ref name="Hilberg1614-1616et1654" />.

À Treblinka, à Modèle:Formatnum:80  km au nord-est de Varsovie, entre juillet 1942 et octobre 1943 les SS et leurs alliés ukrainiens ont exterminé au gaz jusqu’à Modèle:Formatnum:800,000 Juifs (essentiellement des Polonais, des Allemands et des Grecs)<ref name="Hilberg1614-1616et1654" />,<ref>Lucy S. Dawidowciz mentionne également le chiffre de Modèle:Formatnum:800,000 victimes dans La Guerre contre les Juifs, ibid.</ref>, dont le conteur et psychologue pour enfants Janusz Korczak et Lydia Zamenhof, la fille de L. L. Zamenhof, l'inventeur de la langue internationale esperanto, morte à Treblinka vers la fin de l'été 1942.

Auschwitz-Birkenau où les nazis ont exterminé entre un million et un million et demi de personnes, en grande majorité des Juifs d'Europe, est le plus important des camps nazis. C’est à la fois un camp de concentration et un centre de mise à mort.

Le camp de Majdanek a été créé attenant à la ville de Lublin, dans cette province considérée comme le cœur des grandes communautés juives de Pologne. Selon la Commission polonaise des crimes de guerre, Modèle:Formatnum:125,000 Juifs y sont gazés pendant la période d’activité du camp<ref name="Poliakov526" /> (soit de septembre 1942 à novembre 1943). Selon Raul Hilberg, le nombre de victimes juives s’élève à plus de cinquante mille<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., tome III, p. 1655.</ref>.

Les camps de concentration

À partir de l’hiver 1941-1942, seule une petite minorité des Juifs sont déportés vers les camps de concentration à proprement parler. Environ Modèle:Formatnum:150,000 sont morts dans les camps de Bergen-Belsen, Buchenwald, Stutthof et autres<ref name="Hilberg2272" />.

Theresienstadt

Au cours de la conférence du 20 janvier 1942, Heydrich annonce que certains Juifs allemands seront déportés vers un ghetto spécial : ceux âgés de plus de soixante-cinq ans et ceux qui ont reçu de hautes décorations pour avoir combattu pendant la Première Guerre mondiale. En effet, ni les vieillards ni les anciens combattants ne pouvaient être présentés, par la propagande, comme des dangers pour le Reich. Ensuite, sont ajoutés certains notables juifs, dont l’assassinat dans un centre de mise à mort risquerait de soulever des protestations. Theresienstadt sert également de camp de transit pour d’autres Juifs.

En pratique, le commandement SS du camp fait tout ce qu’il peut pour envoyer discrètement un maximum de détenus vers la Russie occupée (pour y être fusillés), puis vers Auschwitz et les camps du gouvernement général. Heinrich Himmler freine quelque peu cette tendance, pour éviter des déportations trop importantes, qui feraient trop mauvais effet dans le Reich ; mais, en septembre et octobre 1944, juste avant d’arrêter la Solution finale, il autorise la déportation de Modèle:Formatnum:18,400. Au total, environ Modèle:Formatnum:140,000 Juifs ont été déportés à Theresienstadt, Modèle:Formatnum:88,202 ont été envoyés vers d’autres camps, Modèle:Formatnum:33,456 y sont morts, Modèle:Formatnum:1,654 ont été libérés en 1945, 764 s’en sont évadés, 276 ont probablement été assassinés par la Gestapo à la veille de la capitulation, et Modèle:Formatnum:16,832 étaient encore dans le ghetto au 9 mai 1945<ref>Raul Hilberg, op. cit., tome II, p. 777/794</ref>.

Trois cas particuliers

La Serbie

Soumise à l'autorité militaire allemande, la Serbie connaît la Shoah selon des modalités particulières. Les différents responsables allemands (SS, Wermacht) de ce territoire mettent un zèle tout particulier à éliminer physiquement les Juifs — et les Tziganes — présents sur le territoire qu'ils administrent. La définition et la concentration des Juifs s'effectue en quelques mois. Le général Franz Böhme fait exécuter par fusillade l'ensemble des Juifs et des Tziganes de sexe masculin, entre l'automne 1941 et le printemps 1942, reproduisant les ordres donnés aux Einsatzgruppen. Les femmes et les enfants sont raflés et internés dans des camps en novembre et décembre 1941. Ils sont tous assassinés par gazage au monoxyde de carbone entre janvier et mai 1942.

En août 1942, le chef d’état-major administratif en Serbie écrit une note pour son nouveau supérieur, mentionnant en particulier ceci :

« Serbie, seul pays où question juive et question tzigane résolues. » (Serbien einziges Land in dem Judenfrage und Zigeunerfrage gelöst.)

Les seize mille Juifs de Serbie ont été anéantis jusqu’au dernier.

Si la rapidité et la relative originalité de la destruction des Juifs de Serbie est due à l'initiative des officiers locaux, les dirigeants nazis n'ont en rien entravé leur action, bien au contraire : l'idée de fusiller des hommes juifs est suggérée en premier par Adolf Eichmann, et le camion de gazage est fourni par les autorités de Berlin<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome II, p. 1264/1284</ref>.

La Croatie

Image:Searchtool.svg Article détaillé : Oustachis.

Après l'invasion de la Yougoslavie par l'Allemagne, Hitler autorise la création d'un État croate, allié de l'Allemagne, dirigé par le parti fasciste local, l'Oustacha. L'extermination des Juifs et des Tziganes est assurée principalement par les autorités croates, dans des camps de concentration tels que Jasenovac, et ce jusqu'en 1942. Les nazis obtiennent alors l'autorisation du gouvernement croate de déporter les survivants vers les camps d'extermination.

La Roumanie

Membre de l'Axe, la Roumanie du dictateur Antonescu est responsable de la mort d'environ Modèle:Formatnum:200,000 Juifs, ce qui fait des collaborateurs roumains les plus importants participants de la Shoah après les nazis et devant les Oustachis croates.

La Roumanie abritait avant-guerre la troisième communauté juive d'Europe, selon le recensement de décembre 1930. Une tradition antisémite y était solidement établie : la Roumanie fut le dernier pays à émanciper ses Juifs, en 1919. En décembre 1937, un gouvernement pronazi se forme, sous la direction d'Octavian Goga, et prive Modèle:Formatnum:120,000 Roumains juifs de leur nationalité<ref name="Hilberg1409-1410">Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome II, p. 1409/1410</ref>. Le gouvernement Goga est renversé peu après, mais ses successeurs poursuivent la politique antisémite, excluant les Juifs des chemins fer, imposant des quotas dans la main-d'œuvre industrielle et révoquant une partie des fonctionnaires de confession israélite<ref name="Hilberg1409-1410" />. Le 8 août 1940, la persécution prend une dimension raciste : les juifs convertis au christianisme sont considérés comme juifs au même titre que les personnes de religion juive. Toutefois, les Juifs qui possédaient la nationalité roumaine au 30 décembre 1918, leurs descendants, les Juifs qui avaient combattu pendant la Première Guerre mondiale (soit environ dix mille personnes) étaient exemptés de certaines discriminations, et la définition raciste est moins extensive que la définition nazie de 1935 : une personne ayant quatre grand-parents juifs n'est considérée comme juive, à condition que ses deux parents soient chrétiens<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 1410/1411</ref>.

En février 1941, les fascistes de la Garde de Fer perpètrent un pogrom sanglant à Bucarest. 118 morts sont identifiés. Les cadavres sont atrocement mutilés<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 1414/1415</ref>.

Après l'invasion de l'URSS, l'armée roumaine, alliée de la Wehrmacht, participe activement au massacre massif des Juifs en Bessarabie reconquise, en Ukraine et à Odessa. Ainsi, dès le 25 juin 1941, l'armée roumaine assassine Modèle:Formatnum:7,000 Israélites à Iassy.

Cas particulier dans l'Europe du génocide, c'est un territoire entier, la Transnistrie, qui est transformé en territoire d’extermination. Modèle:Formatnum:217,757 Juifs y meurent, dont Modèle:Formatnum:130,000 de nationalité soviétique et Modèle:Formatnum:87,757 Roumains. Modèle:Formatnum:139,957 des victimes ont tuées par des Roumains<ref>Paul Johnson, Une histoire des Juifs, Robert Laffont, 1986</ref>.

En revanche, les Juifs vivant dans les frontières de 1940 n'ont été ni fusillés ni déportés. Le gouvernement roumain pense initialement les déporter, mais y renonce ensuite brusquement<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome II, p. 1406 et 1409</ref>.

Bilans chiffrés des victimes

Les estimations du nombres de Juifs tués lors de l'Holocauste varient entre 5,1 et 6 millions. On parle généralement de 6 millions de victimes en référence au chiffre avancé par Adolf Eichmann. Les estimations des historiens varient entre 5,1 millions (Raul Hilberg) et 5,95 millions (Jacob Leschinsky). Selon ses propres estimations, le Yad Vashem a pu retrouver le nom d'un peu plus de 4 millions d'entre elles<ref>"How many Jews were murdered in the Holocaust?", FAQs au sujet de l'Holocauste, Yad Vashem</ref>.

A la fin de son ouvrage La destruction des Juifs d'Europe, Raul Hilberg tente de chiffrer globalement les victimes. Il répartit les chiffres en trois catégories<ref>Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, éd. Gallimard, collection Folio, 2006 Tome III, p. 2251.</ref> :

  1. Morts consécutives aux privations, en particulier, la faim et la maladie dans les ghettos.
  2. Morts par fusillades.
  3. Morts consécutives aux déportations vers les camps d'extermination.

Les estimations proviennent de rapports émanant notamment des services allemands, des autorités satellites et des conseils juifs. Ils ont ensuite été affinés grâce aux comparaisons entre les statistiques d'avant-guerre et celles d'après-guerre. Hilberg s'efforce de faire des corrections pour ne prendre en compte que les Juifs victimes de la Shoah et écarter ceux dont la mort peut être imputée à la guerre. Cette dissociation est souvent délicate. Ainsi, lorsque l'Allemagne envahit l'URSS, un million et demi de juifs quittent leur domicile, au même titre qu'un nombre plus important de non-juifs parmi lesquels la mortalité est supérieure à la normale. Un autre problème dans l'estimation du nombre de victimes tient au fait que 70% des victimes proviennent de la Pologne et de l'URSS et que les frontières de ces deux pays ne cessent d'évoluer tout au long de la guerre si bien que les statistiques de la bureaucratie nazie se réfèrent souvent à des territoires dont les fontières sont mouvantes <ref>Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, éd. Gallimard, collection Folio, 2006 Tome III, p. 2258.</ref>.

En résumé, l'ampleur du génocide lui-même, les circonstances de la persécution et de la guerre, l'ambiguïté même de la qualité de Juif rendent impossible de chiffrer précisément le nombre de victimes, encore moins de les catégoriser : Hilberg donne finalement l'estimation de 5,1 millions de victimes juives.

Les victimes par pays

D’après Raul Hilberg dans Selon les frontières d’avant guerre<ref name="Hilberg2273">Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, éd. Gallimard, collection Folio, 2006 Tome III, p. 2273.</ref>. Les quelques poucentages indiqués sont tirés du site du CCLJ<ref>Les différentes formes de l'antisémitisme occidental[pdf]</ref> :

Total : Modèle:Formatnum:5100000

Le tableau se réfère aux frontières de 1937. Les Juifs convertis au christianisme sont compris dans ces chiffres et les réfugiés sont comptés dans les pays à partir desquels ils ont été déportés.

Selon Jacob Robinson<ref>Encyclopædia Judaica, vol. VIII, p. 890, repris dans Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme, éd. du Seuil, 1993, tome 2, p. 527</ref> :

Total : Modèle:Formatnum:5820960

Les victimes par année

D'après Hilberg<ref name="Hilberg2273" />

Total : Modèle:Formatnum:5100000

Nombre de victimes selon la cause du décès

D'après Hilberg <ref name="Hilberg2272">Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, éd. Gallimard, collection Folio, 2006 Tome III, p. 2272.</ref>

Total : Modèle:Formatnum:5100000, dont Modèle:Formatnum:2700000 dans les chambres à gaz.

Les victimes françaises

Selon des chiffres établis par l'association des Fils et Filles des déportés juifs de France présidée par Serge Klarsfeld et publiés en 1985

  • Au moins Modèle:Formatnum:85  % des juifs déportés de France ont été arrêtés par les forces de police françaises.

Conséquences de la Shoah

Outre la spoliation, la souffrance et la mort de millions de Juifs, la Shoah marque un tournant historique car elle est l'occasion d'une prise de conscience internationale amenant plusieurs faits majeurs :

Condamnation de la négation de la Shoah par l'ONU

Le 23 janvier 2007, l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies a adopté la résolution 61/L.53 condamnant le négation de l'Holocauste en ces termes :

L’Assemblée générale, […]
Notant que le 27 janvier a été désigné par l’Organisation des Nations Unies Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l’Holocauste,
1. Condamne sans réserve tout déni de l’Holocauste;
2. Engage vivement tous les États Membres à rejeter sans réserve tout déni de l’Holocauste en tant qu’événement historique, que ce déni soit total ou partiel, ou toute activité menée en ce sens<ref>Voir Texte de la Résolution sur le site de l'ONU[pdf]</ref>.

Archives de la Shoah

Les archives de la Shoah sont conservées dans plusieurs établissements, notamment<ref>Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 2275/2287</ref> :

  • En Allemagne, à Bad Arolsen, Potsdam, Coblence et (depuis 1996) Berlin. Ces centres ont récupéré la plupart des documents conservés, jusqu’à la fin des années 1960, les Archives nationales des États-Unis.
  • Au Centre de conservation des documents historiques de Moscou.
  • Au Yiddish Institute for Jewish Research (YIVO) et au Leo Abeck Institut, tous deux établis à New York.
  • Dans les archives de la police israélienne (documents produits pour le procès d’Adolf Eichmann) et à l’Institut de Yad Vashem (documents écrits et témoignages oraux de survivants).
  • Au Centre de documentation juive contemporaine, de Paris (documents nazis et juifs).

Les débats tenus lors du procès de Nuremberg, ainsi que les documents utilisés à cette occasion, ont été intégralement reproduits dans Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international : Nuremberg, 14 novembre 1945-1er octobre 1946, ouvrage en vingt-cinq volumes publié à Nuremberg de 1947 à 1949 et réimprimé en 1993.

Évocation de la Shoah dans les arts

L'ampleur de l'atrocité révélée au monde à la libération des camps et durant le procès de Nuremberg marque profondément les esprits comme l'un des événements les plus honteux de l'histoire de l'humanité. Ce sentiment d'horreur s'exprimera naturellement dans la production artistique du XXe siècle, d'abord par la publication de témoignages de victimes puis par la représentation explicite ou métaphorique de la Shoah.

Littérature

Cinéma

Télévision

  • Holocauste (Holocaust, 197Image:Cool.gif de Marvin J. Chomsky
  • Conspiracy (2001) de Frank Pierson
  • Au nom de tous les miens (1983) de Robert Enrico

Musique

Le génocide des juifs et la philosophie

Outre les répercussions culturelles, le génocide des juifs a eu des conséquences dans le domaine de la pensée philosophique. Ainsi, Adorno s'est posé la fameuse question : « Comment penser après Auschwitz ? ».

Le philosophe allemand Hans Jonas a tenté de définir Le Concept de Dieu après Auschwitz. Pour lui, une certitude émerge du désastre. Après Auschwitz, le concept de la toute-puissance divine doit être abandonné. Ou alors, il faudrait admettre que Dieu a voulu ou permis l'extermination des juifs. Ainsi, le psychiatre juif Henri Baruk n'hésite pas à concevoir cet événement selon la tradition biblique, comme une théophanie négative, « l'application des menaces de Dieu à Moïse en cas de rupture de l'Alliance ». Selon Baruk, Marx et Freud, ces deux dissidents du judaïsme que la Bible désigne sous le nom de « faux prophètes » sont les grands responsables de cette rupture de l'Alliance qui entraîne une menace contre l'existence même du peuple juif. Dans une ligne proche, André Néher parle à propos de l'« holocauste » d'un « échec de Dieu ».

À l'opposé de cette position, Hanna Arendt démystifie l'extermination de toute dimension mystique ou théophanique dans sa thèse célèbre sur la banalité du mal. Elle considère les nazis comme des serviteurs du crime, simples rouages d'une énorme machine administrative devenue folle et inhumaine.

Le philosophe Paul Ricœur a développé une philosophie de la mémoire, définissant le devoir de mémoire comme une certaine forme d'injonction à se souvenir d'événements horribles, qui ne prend son sens que par rapport « à la difficulté ressentie par la communauté nationale, ou par des parties blessées du corps politique, à faire mémoire de ces événements de manière apaisée ». Il relève qu'il y a un glissement du bon usage à l'abus du « devoir de mémoire », lorsque « le devoir de rendre justice, par le souvenir, à un autre que soi », aux victimes à l'égard desquelles nous avons une dette à payer, s'érige en « direction de conscience qui se proclame elle-même porte-parole de la demande de justice des victimes » par une sorte de « captation de la parole muette des victimes ».

Notes

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Bibliographie

Ouvrages généraux

Historiographie

  • François Bédarida, « Shoah : la singularité du mal », L'Histoire, n° 220, avril 1998, p. 62-65
  • Christopher R. Browning, Des hommes ordinaires, Les Belles Lettres, 1994
  • Philippe Burrin, Hitler et les Juifs. Genèse d’un génocide, éd. du Seuil, 1989, et « Points »-histoire, 1995
  • Philippe Burrin, Ressentiment et apocalypse. Essai sur l’antisémitisme nazi, éd. du Seuil, « Points »-histoire, 2007
  • Collectif, Devant l’histoire. Les documents de la controverse sur la singularité de l’extermination des juifs par le régime nazi, éd. du Cerf, 1988
  • Lucy S. Dawidowicz, A Holocaust Reader, New York, Behram House, 1976
  • Id., The Holocaust and The Historians, Harvard University Press, 1981, rééd., 1983
  • Id., “Perversions of The Holocaust”, Commentary, octobre 1989, p. 56-61
  • Gerald Fleming, Hitler et la Solution finale, éd. Julliard, 1988
  • Saul Friedländer, “From Antisemitism to Extermination : A Historiographical Studie of Nazi Policies Toward the Jews”, Yad Vashem Studies, XVI, 1984, p. 1-50
  • Daniel Jonah Goldhagen, Les Bourreaux volontaires de Hitler, éd. du Seuil, 1997 et « Points », 1998
  • Édouard Husson, Une culpabilité ordinaire ? Hitler, les Allemands et la Shoah. Les enjeux de la controverse Goldhagen, éd. François-Xavier de Guibert, 1997
  • Id., Comprendre Hitler et la Shoah. Les historiens de la République Fédérale d'Allemagne et l'identité allemande depuis 1949, Presses universitaires de France, coll. « Perspectives germaniques », 2000, rééd., 2002 (préface de Ian Kershaw)
  • Eberhard Jäckel, Hitler idéologue, éd. Calmann-Lévy, 1973, rééd. Gallimard, « Tel », 1995
  • Ian Kershaw, Qu'est-ce que le nazisme ? Problèmes et perspectives d'interprétation, éd. Gallimard, coll. « Folio » histoire, 1997, chapitre 5, « Hitler et l'Holocauste »,
  • Arno J. Mayer, La « Solution finale » dans l’histoire, éd. La Découverte, 1990 et 2002
  • Kevin P. Spicer, Antisemitism, Christian Ambivalence, and the Holocaust, Indiana University Press, 2007

Monographies

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  • Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, éd. Fayard, 1996 (1re éd. 1963)
  • Tuwia Friedman, Sobibór, ein NS-Vernichtungslager im Rahmen der "Aktion Reinhard" : eine dokumentarische Sammlung von SS-Dokumenten, Haïfa, Institute of documentation in Israel for the investigation of nazi war crimes, 1998
  • Eugen Kogon, Hermann Langbein et Aldabert Rückel, Les Chambres à gaz, secret d'État, éd. du Seuil, « Points »-histoire, 2000 (1re éd., 1987)
  • Raul Hilberg et Joël Kotek (dir.), L'Insurrection du ghetto de Varsovie, éd. Complexe, 1994
  • Eberhard Jäckel et Lea Rosch, »Der Tod ist ein Meister aus Deutschland«. Deportation und Ermordung der Juden, Kollaboration und Verweigerung in Europa, éd. Komet, 1990
  • Helmut Krausnick et Hans-Heinrich Wilhem, Die Truppe des Weltanschauungskrieges, Stuttgart, 1981
  • Ralf Ogorreck, Les Einsatzgruppen. Les groupes d’intervention et la genèse de la solution finale, Calmann-Lévy, 2007
  • Léon Poliakov, Auschwitz, éd. Gallimard, 1973 ; rééd., 2006
  • Jean-Claude Pressac, Auschwitz. Technique and operation of the gas chambers, The Beate Klarsfeld Foundation, New York, 1989
  • Id., Les Crématoires d’Auschwitz. La machinerie du meurtre de masse, éd. du CNRS, 1993
  • Richard Rhodes, Extermination, la machine nazie. Einsatzgruppen, à l'Est, 1941-1943, éd. Autrement, 2004
  • Annette Wieviorka, Auschwitz, soixante ans après, éd. Robert Laffont, 2004
  • Georges Wellers, Les chambres à gaz ont existé : des documents, des témoignages, des chiffres, éd. Gallimard, 1981

La Shoah dans les pays satellites

  • Frederick B. Chary, The Bulgarian Jews and the Final Solution, Pittsburg, 1972
  • Carol Iancu, La Shoah en Roumanie, Publications de l'université de Montpellier, 2000
  • Roanid Iadu, La Roumanie et la Shoah. Destruction et survie des juifs et des Tsiganes sous le régime Antonescu, 1940-1944, Maison des sciences de l'homme, 2003
  • Ladislaus Hory et Martin Broszat, Der Kroatische Ustacha-Staat. 1941-1945, Stuttgart, 1964
  • Laurent Joly, Vichy dans la Solution finale. Histoire du commissariat général aux questions juives (1941-1944), éd. Grasset, 2006 (ouvrage issu d'une thèse de doctorat en histoire)
  • Ladislav Lipscher, Die Juden im Slowakischen Staat. 1939-1945, Munich, 1980
  • Michael Marrus et Robert O. Paxton, Vichy et les Juifs, éd. Calmann-Lévy, 1981, rééd. Librairie générale française, « Le Livre de poche », 1990 et 2004
  • Marie-Anne Matard-Bonucci, L'Italie fasciste et la persécution des Juifs, éd. Perrin, 2007
  • Edmond Paris, Genocide in Satellite Croatia. A Record of Racial and Religious Persecutions and massacres, Translated from the French by Louis Perkins, American Institute for Balkan Affaires, Chicago 1961

Biographies et témoignages

Victimes et témoins de la Shoah

  • Alan Bestic et Ruldolf Vrba, Je me suis évadé d'Auschwitz, éd. J'ai lu, 1987
  • Adam Czerniakow, Carnets du ghetto de Varsovie, éd. La Découverte, 2003 (texte établi par Raul Hilberg et Stanislaw Staron, traduit par Jacques Burko et Maria Elster)
  • Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman (dir.), Le Livre noir sur l’extermination scélérate des juifs par les envahisseurs fascistes allemands dans les régions provisoirement occupées de l’URSS et dans les camps d’extermination en Pologne pendant la guerre de 1941-1945 : textes et témoignages, éd. Actes sud, 1995, rééd. Librairie générale française, « Le Livre de poche », deux volumes, 2001
  • Saul Friedländer, Kurt Gerstein ou l'ambiguïté du bien, Tournai, éd. Casterman, 1967
  • Filip Müller, Trois ans dans une chambre à gaz d'Auschwitz, éd. Pygmalion, 1980
  • Itzhok Noborski et Annette Wieviorka (éd.), Les Livres du souvenir : mémoriaux juifs de Pologne, éd. Julliard, coll. « Archives », 1983
  • Ruta Sakowska (éd.), Archives clandestines du ghetto de Varsovie, éd. Fayard/BDIC, 2007, deux volumes
  • Georges Gheldman, 16 juillet 1942, 2005, Berg International. On trouve en annexe de cet ouvrage la retranscription intégrale du témoignage de Georges Gheldman lors du procès de Maurice Papon.
  • Extermination par fusillade en Lettonie
  • Henri Graf, "Ne Pas Mourir, Auschwitz A5184" Propos recueillis et rédigés par François Fouquet, Collection Mémoire, Christophe Chaumont Editeur

Responsables de la Shoah

  • Édouard Calic, Heydrich, l'homme clef du IIIe Reich, éd. Robert Laffont, 1985
  • Mario R. Dederichs, Heydrich, éd. Tallandier, 2007
  • Adolf Eichmann, Eichmann par Eichmann, éd. Grasset, 1971 (texte établi par Pierre Joffroy et Karin Königseder)
  • Joseph Goebbels, Journal, éd. Tallandier, en cours de parution depuis 2006
  • Hans Frank, Das Diensttagebuch des deutschen Generalgouverneurs in Poland, Stuttgart, Deutsche Verlags-Anstalt, 1975
  • André Guerber, Himmler et ses crimes, éd. Fournier, 1946
  • Gideon Hausner, Justice à Jérusalem, éd. Flammarion, 1976 (traduit de l'anglais par Pierre Javet)
  • Rudolf Hoess, Le commandant d'Auschwitz parle, éd. François Maspero, 1979 ; rééd. La Découverte, 1995 et 2004
  • Ian Kershaw, Hitler, éd. Flammarion, 2000, deux volumes
  • Marlis Steinert, Hitler, éd. Fayard, 1991
  • Betty et Robert-Paul Truck, Mengele, l'ange de la mort, Presses de la Cité, 1976
  • Gitta Sereny, Au fond des ténèbres, Un bourreau parle: Franz Stangl, Commandant de Treblinka, Denoël, 1975, rééd. 2007

La Shoah, les grandes puissances et les pays neutres

  • Carlo Falconi, Le Silence de Pie XII, éd. du Rocher, 1965
  • Saul Friedländer, Pie XII et le Modèle:IIIe Reich, éd. du Seuil, 1964
  • Guenter Lewy, L'Église catholique et l'Allemagne nazie, éd. Stock, 1965
  • Michael Fayer, L’Église et les Nazis. 1930-1965, Liana Levi, 2002 (traduit de l’anglais des États-Unis par Claude Bonnafont)
  • Martin Gilbert, Auschwitz and the Allies: A Devastating Account of How the Allies Responded to the News of Hitler's Mass Murder, Owl Books, 1990
  • Jean-Pierre Richardot, Une autre Suisse, 1940–1944, éditions du Félin, 2002
  • Stanford Jay Shaw, Turkey and the Holocaust: Turkey's Role in Rescuing Turkish and European Jewry from Nazi Persecution, 1933-1945, New York University Press, 1993
  • David S. Wyman, L'Abandon des Juifs. Les Américains et la solution finale, éd. Flammarion, 1987

Voir aussi

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Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur la Shoah.

Liens internes

Liens externes

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